L'ONERA fut créé en mai 1946 en tant qu'Office National d'Études
et de Recherches Aéronautiques. Ses attributions, qui couvraient
tous les domaines de l'aéronautique, furent étendues au domaine
spatial en 1963. L'ONERA devint alors l'Office National d'Études et
de Recherches Aérospatiales.
Premières fusées expérimentales
Les recherches de l'ONERA sur les fusées avaient plusieurs
objectifs : maîtrise de la propulsion à poudre, mise au point de
sous-systèmes (stabilisation, pilotage, télémesure,...) mais aussi
qualification d'éléments pour l'aviation. Différents départements de
l'Office développèrent des engins fusées.
Fusées "OR" du département "Résistance des structures"
Les petites fusées OR étaient essentiellement destinées à tester de
nouvelles structures. Pesant 450 kg pour 4 m de long et 180 mm de
diamètre, ces fusées étaient souvent larguées d'avion avant
d'effectuer leur mission. Une dizaine d'exemplaires ont été tirés à
Mailly le camp, entre 1955 et 1958.
Fusées "VD" du département "Énergétique et Propulsion"
Les fusées VD, également tirées à partir de 1955, ont permis
d'engager les premières études supersoniques et de maîtriser les
instabilités qui pouvaient entraîner la destruction d'engins volant
à haute vitesse. A partir de 1957, certaines de ces fusées
expérimentales (VD-2050, VD-2141) ont également servi à des études
sur des missiles tactiques.
Fusées "OPd" du département "Physique générale"
Les fusées OPd, quant à elles, étaient une famille d'engins destinés
au développement de l'instrumentation nécessaire aux recherches en
aérodynamique et aérothermodynamique. Plus d'une quinzaine de
véhicules de dimensions et de masses variables furent utilisées dans
le cadre de ces recherches. Les premières fusées étaient désignées
par leur diamètre exprimé en mm (OPd-80, OPd-100, OPd-200, OPd-220,
OPd-250, OPd-320). Elles pouvaient être utilisées seules ou
associées à des boosters. D'autres engins étaient désignés par leur
numéro de programme comme la 2422 biétage (moteurs SPRAN 10 et SPRAL)
ou 2012 triétage (moteurs SPRAN 20, SPRAN 4 et SPRAH). Cette fusée
de 8.8 m de long pesant 927 kg était notamment destinée à tester le
télépilotage d'une maquette équipée d'une aile delta; elle fut tirée
pour la première fois le 28 octobre 1957 à l'île du Levant.
Parmi les fusées technologiques de l'ONERA, on peut également
citer la D-6 tirée à cinq exemplaires à partir de 1963 pour tester
le profil des ailes de Concorde jusqu'à Mach 2.2. Cette fusée, qui
emportait une maquette dont le fuselage mesurait 2.7 m de long et 25
cm de diamètre, avait une masse au décollage de 1070 kg et une
longueur de 8.5 m.
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Fusées d'essai de
rentrée atmosphérique
Antarès
L'étude de la rentrée dans l'atmosphère des ogives militaires
nécessita, à la fin des années 50, le développement d'une fusée
encore plus puissante. La fusée Antarès, qui était désignée
OPd-56-39-22D pendant la phase de mise au point, devait permettre
d'étudier l'échauffement cinétique d'objet volant jusqu'à Mach 7.
Mesurant 12,2 m de haut, pour une masse au décollage pouvant
atteindre 1785 kg, elle comportait quatre étages dont trois
servaient à la montée (jusque vers 150 km) tandis que le quatrième
accélérait la charge pendant la descente. Le premier étage utilisait
un moteur SEPR 734-1 (bloc Vesuve), de 56 cm de diamètre et 3.5 m de
long, délivrant une impulsion totale de 1025 kNs en moins de 5
secondes. Le deuxième était l'étage de croisière (bloc Neptune); il
mesurait 39 cm de diamètre, 3.2 m de long et fournissait 630 kNs en
environ 32 secondes. Le troisième étage était un SEPR 685-4 (bloc
Mimosa) de 2.6 m de long et 20 cm de diamètre, fournissant 167 kNs
en moins de 5 secondes. Le moteur du quatrième étage (bloc Mélanie)
était intégré à la charge utile qui mesurait 22 cm de diamètre. Avec
les quatre étages utilisés pour la montée, Antarès pouvait emporter
une charge de 35 kg à 280 km d'altitude.
Treize tirs furent réalisés entre le 2 mai 1959 et le 13 mai 1961,
dont six sous la désignation Antarès.
Note: Les tirs d'OPd-56-39-22-D/Antarès avaient été précédés, le
30 janvier 1959, par un lancement unique de la fusée OPd-12-10-D
constituée d'une OPd-100 ceinturée par 3 boosters de 122 mm de
diamètre.
Bérénice
Comme Antarès, Bérénice possédait quatre étages à poudre, mais le
poids total au décollage atteignait 3340 kg et la hauteur 13.25 m.
Deux étages étaient allumés à la montée, les deux autres à la
descente. Avec ses quatre moteurs fonctionnant à la montée, Bérénice
aurait pu lancer une charge utile de 40 kg à 1000 km d'altitude.
Le premier étage, désigné BER, comportait un moteur principal à la
base duquel était fixé un barillet de quatre propulseurs auxiliaires
orientables permettant le pilotage. Le moteur principal était un
Stromboli SEPR 739 de 56 cm de diamètre et 4,7 m de long pesant
1885 kg. Avec 1240 kg de poudre
Plastolane,
il délivrait une impulsion totale de 2860 kNs en 20 secondes. Les
quatre fusées auxiliaires étaient des SEPR 167 de 16 cm de diamètre
dont la tuyère était inclinée à 45 degrés. Avec 23.5 kg de poudre
Epictete,
elles fournissaient chacune 45 kNs en 21.6 secondes. Le pilotage de
l'ensemble était obtenu par rotation des moteurs auxiliaires autour
de leur axe longitudinal. Le deuxième étage était un
Stromboli SEPR 740 de 3.2 m de long, pesant 1050 kg dont 740 kg
de poudre et fournissant 1650 kNs en 18 secondes. Après son
extinction, il restait solidaire des deux étages supérieurs pour
assurer, par ses empennages fixes, la stabilisation de la fusée qui
culminait à 270 km environ. Lors de la descente, vers 55 km
d'altitude, les étages supérieurs stabilisés par des jupes coniques
étaient allumés successivement pour accélérer l'ogive expérimentale.
Le 3ème étage SEPR 200 (bloc Tramontane) mesurait 2,35 m de long
pour 33,5 cm de diamètre, pesait 280 kg dont 156 kg de poudre, et
fournissait 333 kNs en 6,7 secondes. Le 4ème étage de 22 cm de
diamètre, mesurait 2,95 m de long et pesait 120 kg (avec la charge);
les 22 kg de poudre du bloc Mélanie délivraient 49 kNs en 4,4
secondes. Vers 20 km d'altitude, lorsque la vitesse maximale
d'environ Mach 12 était atteinte, l'essai proprement dit commençait
et durait une vingtaine de secondes.
Onze fusées Bérénice de ce type furent lancées entre 1962 et 1965,
une douzième lancée en 1966 servit à préparer les expériences Titus
d'étude de la couronne solaire.
En avril 1963, l'ONERA présenta un projet de satellite de 3,5 kg,
appelé Satmos, qui aurait pu être lancé par une fusée Bérénice
modifiée sur une orbite 250/1800 km. Ce lanceur devait être
disponible en 1964, un an avant Diamant. Mais l'utilité de cette
opération n'était pas évidente et le projet fut abandonné.
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A partir de 1965, l'ONERA entreprit, avec le soutien de la DMA, un
nouveau programme d'expérimentation sur la rentrée désigné ELECTRE.
L'aboutissement de ce programme devait être constitué par quatre
essais en vol avec des fusées Tibère.
Tibère était une fusée à trois étages mesurant 14,5 m de hauteur et
pesant 4,5 tonnes. Le premier étage était un composite BER, le
second était un propulseur SEPR 739-2 de même longueur, alors que le
troisième étage était le P.064 de
Diamant A.
Les deux étages allumés à la montée faisaient culminer à 150 km
d'altitude le composite supérieur (3ème étage + ogive),
préalablement orienté sur la trajectoire de descente par un
dispositif de contrôle d'attitude (CASSIOPEE). Le P.064 accélérait
l'ogive en descente entre 130 à 60 km d'altitude. L'expérience
proprement dite intervenait entre 60 et 20 km et durait une dizaine
de secondes jusqu'à destruction de l'ogive.
Deux vols seulement furent effectivement réalisés en février 1971 et
mars 1972.
Note: Les deux tirs de fusées Tibère avaient été précédés par une
expérience CRAPEL (Cible-RAdar Préparatoire à ELectre). Cette
expérience utilisait une fusée Bélier dotée d'un deuxième étage
spécifique (52 kNs fournis en 10.5 sec) monté à l'envers sous la
coiffe.

Fusées-sondes
Daniel
Certains équipements destinés à la fusée Antarès avaient été testés
sur une fusée triétage qui fut également utilisée pour procéder à
des études de l'atmosphère.
Cette fusée, désignée Daniel (initialement OPd-220-ADX), comportait
un booster SPRAN 50 de 39 cm de diamètre et 2.54 m de long, un étage
de croisière propulsé par un bloc Jericho (largement utilisé par la
suite sur les fusées
Bélier), un
étage supérieur du même type que celui d'Antarès et une coiffe un
peu plus longue. Sa hauteur totale atteignait environ 8.5 m et sa
masse maximale 813 kg. Elle fut utilisée à trois reprises entre 1959
et 1961.
A partir d'éléments développés pour la fusée Bérénice, l'ONERA
créa deux fusées-sondes destinées à des études scientifiques
diverses.
Tacite
La première de ces fusées-sondes fut la fusée Tacite (Tentative
d'Analyse du Contraste Infrarouge Terre-Espace). C'était un véhicule
à un étage utilisant un propulseur Stromboli SEPR 739-2, stabilisé
par un empennage cruciforme.
Avec une masse au décollage d'environ 2 tonnes, Tacite pouvait
lancer une charge de 285 kg à 160 km d'altitude. Cette fusée fut
tirée à quatre reprises (avec un échec) entre 1965 et 1968.
Titus
La deuxième réalisation fut la fusée Titus, spécialement mise au
point pour une observation du Soleil lors de l'éclipse de novembre
1966. Cette fusée utilisait les deux premiers étages de Bérénice
(avec un deuxième étage SEPR 740-3 légèrement plus long). Le
composite BER du premier étage permettait d'assurer une grande
précision de la trajectoire particulièrement utile pour ces
expériences. L'engin mesurait 11,5 m de haut, pesait 3 tonnes, et
pouvait lancer 400 kg à 250 km d'altitude.
Deux fusées Titus furent lancées avec succès le 12 novembre 1966,
depuis le champ de tir de Chaco, en Argentine, avec la collaboration
du CNIE Argentin.
Note : L'ONERA a, par la suite, contribué au programme
d'expériences astronomiques par fusées-sondes du CNES en fournissant
le dispositif CASSIOPEE ( Contrôle d'Attitude par Senseurs
Stellaires et Inertiels pour l'Orientation et le Pointage
d'Expériences vers les Etoiles). Ce dispositif a volé dix fois entre
1968 et 1975, emportant 2 expériences ELECTRE et 8 expériences
d'astronomie. |
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Évolution des fusées de l'ONERA
Échelle en mètres
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