De 1959 à 1979 : La maturité
CHAPITRE 10 CONCLUSIONS SUR LA DEUXIEME PERIODE BILAN DE L’ARMEMENT EN MISSILES TACTIQUES DES ARMEES FRANÇAISES EN 1980
L’armée de l’Air Pour la défense aérienne, l’armée de l’Air disposait : - du Mirage III armé de l’air-air R 530 et du missile de combat Magic 1 ; - du F1 armé du Super 530 F, dont la première livraison avait commencé en 1979, et du Magic 1. Pour l’attaque air-sol, elle disposait du Mirage III E et du Jaguar équipés d’AS 30 et du Martel (AR) ; ils étaient aussi armés de missiles air-air d’autodéfense Magic 1. Pour la défense de quelques bases aériennes, elle disposait du SACP Crotale (première livraison : 1978) ; deux batteries de Hawk de l’armée de Terre étaient affectées à la défense des bases des Forces aériennes stratégiques.
Les seules déficiences relatives de l’armée de l’Air, par rapport à l’Air Force, étaient l’absence d’une défense aérienne efficace contre les objectifs à basse altitude (il a fallu attendre le Super 530 D en 1988) et d’une défense SAMP des bases (en dehors de l’utilisation des Hawk de l’armée de Terre).
La Marine L’Aéronavale disposait : - du Crusader armé du R 530 et du Magic 1 ; - de l’Étendard armé de l’AS 30 et du missile d’autodéfense Magic 1 ; - des premiers Super Étendard armés de l’AM 39 (première livraison en 1980) et du Magic ; - de l’hélicoptère Alouette III armé de l’AM 12. La Marine de surface était équipée : - de l’antinavire Exocet MM 38 ; - pour la défense aérienne des frégates, du SAMP Masurca ou Tartar et du SACP anti-avion Crotale (depuis 1978).
La Marine n’avait donc pas de défense aérienne contre les avions à basse altitude (et n’en eut pas avant les années 2000, avec le Rafale) ni de défense des navires contre les missiles attaquant au ras de l’eau (il a fallu attendre 1985, avec le début des livraisons du Crotale EDIR).
L’armée de Terre Pour les missiles antichars, elle disposait du Milan et du SS 11, ce dernier commençant à être remplacé par le Hot (première livraison en 1978) ; ces deux derniers missiles, à longue portée, armaient respectivement l’Alouette et la Gazelle. La défense contre les avions disposait des batteries SAMP Hawk et des premiers systèmes « temps clair » Roland (première livraison en 1978) montés sur l’AMX 30. L’armée de Terre expérimentait les systèmes de reconnaissance : en 1980 eut lieu l’arrêt du R 20, alors que la livraison du CL 89 était prochaine. Le stock de missiles antichars était très important car la menace principale, pour l’Occident, était constituée par les milliers de chars soviétiques. L’armée de Terre ne disposait pas, en particulier pour ses commandos, de missiles SATCP : il a fallu attendre le Mistral, en 1989.
Conclusions À part les missiles SAMP (Hawk et Tartar), les missiles équipant les armées Françaises étaient, en 1980, de conception française (ou conçus en coopération). La technologie était récente ; à part le R 530, le SS 11 et le Hawk, les premières livraisons des autres missiles étaient postérieures à 1972. Les missiles SS 11, R 530, Super 530 F, Magic 1, AM 12, AS 30 et Martel avaient été conçus sous la responsabilité de la DTIA (jusqu’en 1970).
POSITIONNEMENT INTERNATIONAL DES MISSILES FRANÇAIS
L’avance technologique dont les États-Unis ont joui pendant les années 1950 et 1960 s’était érodée ; en 1980, il y avait quasiment jeu égal entre les États-Unis et la France, sauf sur les composants électroniques. Notons que, à l’exception de l’antichar LP, les États-Unis n’ont pas été excellents dans le domaine antichar.
La plupart des missiles français étaient considérés comme les meilleurs au niveau mondial, au moins jusqu’en 1990 : l’antichar Milan, l’air-air de combat Magic et l’antiradar Martel n’avaient pas d’équivalents ; les missiles antichars longue portée Hot et Tow étaient équivalents, de même que les antinavires Exocet (célèbre depuis la guerre des Malouines) et Harpoon et le vecteur des air-air d’interception Super 530 F et Sparrow III.
Durant cette deuxième période, la France était devenue, derrière les États-Unis, le deuxième pays du monde occidental 1 pour la conception des missiles tactiques. Elle avait pris la place de la Grande-Bretagne, qui n’avait conçu, dans cette période, que quelques programmes innovants, le SACP Rapier, le SAMP Sea Dart, l’antinavire Sea Skua et le Martel (TV).
1 Dans le classement, l’URSS n’est pas considérée, car le jugement serait difficile.
En 1980, la coopération européenne impliquant la France était limitée aux domaines des antichars (coopération trilatérale avec l’Allemagne et la Grande- Bretagne pour la future troisième génération) et des SACP terrestres (coopération avec l’Allemagne pour la famille Roland).
La France ne coopérait pas, contrairement aux autres pays européens, avec les États-Unis dans le domaine air-air : cela s’expliquait par l’absence de coopération européenne sur les avions de combat et par la politique d’indépendance manifestée par la France, en particulier pour exporter le système d’armes complet.
BILAN INDUSTRIEL
En 1980, la France avait une industrie missilière mondialement reconnue : - deux missiliers, Aérospatiale et Matra ; - un systémier, Thomson-CSF ; - l’ensemble des coopérants équipementiers : SAT pour les AD infrarouges, EMD pour les AD électromagnétiques, Thomson-CSF pour les fusées de proximité et les AD laser, SERAT, STRIM et Thomson-Brandt associées à la Direction des poudres pour les charges et les propulseurs.
La différence fondamentale avec l’industrie américaine était la quantité produite, se traduisant par une différence de coût de production en faveur des Américains : - 85 000 Hot, pour 620 000 Tow ; - 11 000 Magic 1 et 2, ce qui est une réussite, contre 35 000 Sidewinder 9 L et 9 M produits par les Américains (licences exclues) ; - 2 200 Super 530 F et D, contre 26 000 Sparrow 7 F et 7 M.
En 1980, la part du chiffre d’affaires à l’exportation, pour les missiliers français, était de l’ordre de 70 %, en majorité pour le Moyen-Orient. Les sociétés ont acquis, durant les années 1970 (à partir de 1975 pour Matra), une aisance financière permettant leur développement et l’autofinancement de développements ; cette situation continua jusque 1985.
BUDGET CONSACRÉ PAR LA F RANCE AUX MISSILES TACTIQUES
Nous avons indiqué plus haut (chapitre 5) que l’estimation de la part du budget « équipement des forces » consacrée aux missiles tactiques était de 2,2 % en 1957 ; il n’y avait alors pas de fabrication, sauf pour des antichars. Une étude effectuée par la DPAI (cf. annexe 1) a montré que cette part, de la fin des années 1960 (début des productions) au début des années 1980, s’était accrue et stabilisée à environ 6 %. On peut s’étonner de cette stabilité. Mais il faut souligner que les stocks de missiles opérationnels, en France, sauf pour les antichars, sont très inférieurs à ceux de l’Allemagne et de la Grande-Bretagne.
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