De 1959 à 1979 : La maturité

 

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CHAPITRE 9

LES PROGRAMMES

 

Les développements des programmes air-sol téléguidés et air-air de deuxième génération décrits ci-après avaient été confirmés par la directive ministérielle du 4 août 1958 ; les autres programmes décrits sont soit des programmes améliorés – antichars et air–air de troisième génération –, soit des programmes non envisagés en 1958 : air-sol autoguidés, antinavires, sol-air courte portée et missiles de reconnaissance.

 

LES MISSILES ANTICHARS1

 

SS 11 : Améliorations effectuées sous la responsabilité de la DTIA

Par rapport à la première génération, deux améliorations ont été étudiées : le téléguidage semi-automatique et le montage sur hélicoptère.

L’objet du téléguidage semi-automatique est double : suppression de la servitude considérable représentée par l’entraînement du tireur au pilotage du missile et réduction de la portée minimale (liée à la précision d’impact). Comme nous l’avons déjà indiqué2, l’Arsenal et les Éts Turck ont commencé respectivement, en 1953, l’étude du guidage pour le missile SS 10 et celle de la localisation infrarouge du missile. La solution retenue a été la conception d’un goniomètre collimaté avec la lunette de pointage de la cible, pour réaliser le guidage par alignement ; ce gonio détecte le rayonnement infrarouge, en bande 1, émis par des traceurs installés sur le missile ; le tireur doit seulement maintenir la croisée du réticule de la lunette sur l’objectif.

En 1959, l’étude et les essais du guidage ont commencé sur le missile SS 11. Il s’est vite avéré que la difficulté était la prise en charge du missile. Une deuxième optique de détection, avec un champ élargi, fut ajoutée et le missile fut amélioré pour réduire une part de sa dispersion angulaire au départ. En 1967, le SS 11 TCA, baptisé Harpon, fut retenu opérationnellement pour l’équipement de l’AMX 13, à titre transitoire, et la réduction de la dispersion au départ est devenue l’un des objectifs de la conception de la deuxième génération.

L’idée du montage d’un antichar sur hélicoptère provient certainement de l’ambiance aéronautique de l’Arsenal de l’Aéronautique et de sa direction de tutelle.

Les premiers essais, en 1953, ont montré la nécessité de disposer d’une lunette ayant d’une part un grossissement pour acquérir la cible à 3 000 m, d’autre part une visionique gyrostabilisée. Avec une lunette Cotelec de ce type (étudiée par le STAé/AR), le premier AS 11 a été tiré d’Alouette 2 en 1959 (cf. figure 10). Après le transfert de la responsabilité à la DEFA, c’est l’APX qui développa d’excellentes lunettes.

 

1 Pour plus de détails, voir Comité pour l'histoire de l'armement terrestre, Armements

antichars, par M. Stauff (†), puis par MM. Guillot et Dubernet (tome 10), 2002.

 

2 Voir chapitre 3.

 

En 1965, l’ensemble Alouette-AS 11, avec une lunette binoculaire APX 260, innovait en étant le premier système air-sol antichar opérationnel ; l’hélicoptère lance-missiles devenait un moyen de feu à la disposition immédiate du commandant de l’opération et un armement de base des armées de Terre. La mission air-sol du missile antichar était reconnue comme essentielle, alors qu’elle n’avait pas été envisagée en 1950. Tous les pays adoptèrent ce type d’armement et les Américains utilisèrent au Vietnam, en 1965, des Bell-AS 11.

 

Deuxième génération : Milan et Hot

Les missiles Milan et Hot relevaient de la responsabilité de la DTAT. Leur maîtrise d’oeuvre était confiée à Nord-Aviation et MBB, dans le cadre de la coopération franco-allemande, dont l’histoire a été résumée au chapitre 7.

À partir de cette génération, les missiles ont été classés en catégories : missile de moyenne portée (2 000 m environ), portable et destiné aux fantassins, et missile de longue portée (4 000 m environ), destiné à être un armement puissant monté sur des véhicules blindés ou sur des hélicoptères. Le besoin de la catégorie courte portée (300 à 600 m), lui, était satisfait, à cette époque, par des roquettes.

Les différences avec la première génération étaient d’une part la conception du missile, adaptée au téléguidage semi-automatique, d’autre part l’amélioration des possibilités des missiles, pour contrer l’accroissement des performances des blindés (protection, armement).

Les caractéristiques communes des deux missiles étaient les suivantes.

Les techniques de la première génération étaient maintenues, avec des améliorations :

- liaison filaire avec bobinage autour du fuselage (solution du SS12) ;

- intercepteur de jet avec un seul couteau (solution du SS11) ;

- gyroscope à poudre MBB, de volume réduit par rapport à celui de Nord-Aviation équipant la première génération. Les novations étaient :

- la livraison en coup complet, d’où le départ à partir d’un tube ;

- la faible dispersion au départ, pour assurer la prise en charge ;

- l’application des progrès technologiques des années 1960 : pile thermique ; électronique transistorisée ; charge creuse ayant un pouvoir perforant de 5,5 calibres en 1970 et de 8 calibres en 1980 ; traceurs adaptés au goniomètre infrarouge. Les principales caractéristiques du Milan, missile de moyenne portée, étaient les suivantes : - portée maximale de 2 000 m, avec un temps de vol maximal de 12,5 s ;

- masse de la munition (avec tube et générateur de gaz) : 12 kg ;

- missile de 6,7 kg, dont 2,8 kg pour la charge (diamètre de 103 mm et 700 mm de pénétration) ; - masse du poste de tir : 16,4 kg ;

- utilisé à terre ou à partir de véhicules légers, ainsi que de l’AMX 10.

Le développement a commencé en 1963 et la mise en service à partir de 1973. 330 000 missiles et 10 000 postes de tir furent produits (jusqu'en 1995). Le Milan fut vendu dans 40 pays (dont quatre sous licence : Espagne, Grande-Bretagne, Inde et Italie) ; 80 000 missiles furent fabriqués pour la France et une quantité du même ordre pour l’Allemagne.

Il fut utilisé avec succès dans des conflits : Liban, Tchad, Malouines (par la Grande-Bretagne), guerre du Golfe… Les résultats connus au 1er janvier 1987 sont les suivants : sur 51 425 tirs, un bon fonctionnement technologique de 95 % et un pourcentage d’impact de 92,5 %, soit une efficacité globale de 87 %3.

Pour les versions opérationnelles après 1980, il faut signaler les améliorations demandées par les Britanniques, en 1976, suite à l’acquisition de la licence : passage au missile Milan 2, mis en service en 1984, avec un diamètre de la charge augmenté à 115 mm, et adjonction de la lunette infrarouge Mira, adaptée au poste de tir pour la vision de nuit. Lui succède en 1991 le Milan 2 T, équipé de deux charges en tandem pour maintenir l’efficacité en cas de blindage réactif (cf. chapitre 11), puis en 1995 le Milan 3 (cf. chapitre 14).

Les principales caractéristiques du Hot, missile de longue portée, sont les suivantes :

- portée de 75 m à 4 000 m (limite de visibilité du but) ;

- temps de vol maximum de 17,3 s ;

- masse pour la munition : 33 kg ; 23,6 kg pour le missile, dont 6,4 kg pour la charge ;

- pénétration de 800 mm, passant à 1 250 mm pour le Hot 3 ;

- équipement de véhicules blindés et d’hélicoptères, comme la Gazelle et le Bo 105.

C’est un système d’arme alliant la puissance de destruction et la précision de nuit et de jour, avec une probabilité de destruction identique à celle citée pour le Milan. Le développement a commencé en 1964 et les livraisons en série en 1978. 85 000 missiles avaient été produits en 1995, ainsi que 1 600 postes de tir (à 45 % pour hélicoptères), vendus dans 17 pays ; pour la France, 23 000 missiles ont été produits.

La durée très longue du développement s’explique en partie par les délais nécessaires pour les prises de décision en coopération.

Deux versions améliorées ont été opérationnelles après 1980 :

- Hot 2 en 1985 : charge améliorée par augmentation du calibre à 150 mm et adoption d’un explosif plus puissant (octolite) ;

- Hot 3, équipé de deux charges en tandem pour maintenir l’efficacité en cas de blindage réactif et produit à partir de 1992 (cf. chapitre 11).

Il faut mentionner brièvement les missiles concurrents.

Aux Etats-Unis, Le Dragon (MP) n’a pas été un concurrent au Milan. Le Tow (LP) de Hughes est proche du Hot (téléguidage semi-automatique IR, liaison filaire) ; sa portée a varié de 3 km à 3,75 km. Il a été mis en service en 1970 ; des versions améliorées (portée, charge) furent développées. 620 000 missiles furent produits jusqu'en 1991, le marché domestique comptant pour 365 000 exemplaires ; il est utilisé par 37 pays. La Grande-Bretagne a acheté la licence du Milan, développé le Swingfire (LP) à téléguidage manuel et acheté le Hot pour l’équipement d’hélicoptères.

Finalement, ce pays a décidé de coopérer pour la troisième génération d'antichars.

 

3 D’après le Comité pour l'histoire de l'armement terrestre, Armements antichars, par M. Stauff (†), puis par MM. Guillot et Dubernet (tome 10), 2002.

 

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En conclusion, le Milan a été, dans sa catégorie et jusqu'à la fin des années 1990, le meilleur missile de moyenne portée au niveau mondial. En revanche, le Hot et le Tow sont de la même classe, avec une production du Tow nettement supérieure, compte tenu du marché domestique américain. Pour la longue portée, les Américains avaient rattrapé leur retard constaté en 1957. Soulignons enfin que les stocks importants de missiles antichars constitués en France, en Allemagne et aux États-Unis étaient liés à la menace soviétique (50 000 chars).

 

 

LES MISSILES AIR-SOL TELEPILOTES

 

En 1950, la mission air-sol n’avait pas été prévue, ne correspondant pas à un besoin français de l’armée de l’Air ; ce besoin est apparu, en 1957, avec l’abandon de l’intercepteur léger et le choix du concept du chasseur bombardier Mirage III.

 

AS 12 – Nord-Aviation

Le concept de ce missile, en version sol-sol, a été établi dès 1956, lors de discussions d’états-majors dans le cadre de l’OTAN. Le besoin était un SS11 plus « puissant ». Les caractéristiques retenues étaient les suivantes :

- type de guidage identique à celui du SS11 : téléguidage manuel et liaison filaire ; mise au point d’un câble bifilaire lové autour du fuselage pour l’utilisation Marine (type de bobinage utilisé par le Milan et le Hot) ;

- masse de 75 kg ; charge de 30 kg ;

- portée de 6 000 m (30 s de temps de vol).

En fait, pour une mission antichar, ce concept ne présentait aucun avantage par rapport au SS 11. En revanche, une charge semi-perforante capable de pénétrer, sous incidence, une tôle d’acier doux de 10 mm permettait l’attaque de petites unités navales et d’objectifs divers au sol (rassemblement de véhicules, blockhaus…). Ce missile a trouvé son domaine d’utilisation surtout pour des applications navales : sous le nom d'AS 12, avec l'armement d’avions lents, comme l’Atlantic et le Nimrod, et d’hélicoptères, comme l’Alouette III ; sous le nom de MM 12, avec l'armement de vedettes rapides très appréciées à l’étranger.

L’avant-projet commença au début de 1958 et les premiers essais furent effectués en 1959 ; la mise en service eut lieu rapidement, en 1966, aucune difficulté sérieuse de développement ne s’étant présentée. 10 300 missiles ont été produits jusqu'en 1982 et utilisés par 26 pays ; citons la Royal Navy, qui mit hors de combat un sous-marin argentin débarquant un commando en Georgie, lors de guerre des Malouines.

L’intérêt du missile pour effectuer des missions air-sol et des missions antisurface a bien été mis en évidence par ce missile AS 12.

 

AS 20 (Nord 5110) – Nord-Aviation

Nous avons indiqué plus haut (cf. chapitre 4) que l’expérimentation du Nord 5103 (ou AA 20) avait montré l’intérêt de son utilisation en air-sol, la distance de passage étant de l’ordre de 5 m. L’AS 20 dérive du Nord 5103 principalement par l’adoption de la charge semi-perforante de l’AS 12 de 30 kg et par le remplacement de la fusée de proximité par une fusée d’impact. La masse du missile est ainsi passée à 145 kg ; sa portée est de 6 km. Avec la liaison radio, il a pu armer les avions de combat : Étendard, Mirage III C et E…

La version AS 20 fut définie en 1958 et mise en service au début des années 1960. Après l’arrêt de l’utilisation air-air du Nord 5103, au début de 1961, les missiles 5103 produits furent modifiés et utilisés pour l’entraînement au tir de l’AS 20 et de l’AS 30. 1 700 nouveaux AS 20 furent produits, dont 900 pour l’exportation ; les plus gros clients étrangers furent l’Allemagne (sous F 104 G), qui le produisit sous licence, et l’Italie (sous Fiat G 91).

 

AS 30 (Nord 5401) – Nord-Aviation

L’expérimentation de l’AS 20 avait montré la nécessité d’une charge perforante mieux adaptée aux « objectifs durs » en béton (pouvant atteindre 1 m d’épaisseur) ou en acier (coque de navires) ; l’EMAA a fixé une masse de 500 kg pour le missile, compte tenu des points d’emport de l’avion. Caractéristiques retenues :

- masse du missile : 520 kg ; charge semi-perforante de 240 kg ;

- portée de 10 km, avec une vitesse d’impact à Mach 1,4 (23 s de temps de vol maximum) ; utilisation du propulseur mis au point pour le sol-air ACAM4, d’où le diamètre de 350 mm (ce fut aussi le diamètre retenu pour le MM 38) ;

- principes de l’AS 20 conservés : corps fuselé en auto-rotation à faible vitesse (4 tours/s) et adjonction d’empennages ; téléguidage manuel ; télécommande radio Labinal TC 735, correctement protégée contre le brouillage.

L’EMAA édita la fiche-programme le 10 juillet 1958 et le programme démarra en 1959, avec une mise en service en 1963. L’AS 30 arma tous les avions cités pour l’AS 20, ainsi que le Jaguar. 3 800 missiles furent produits, dont 3 000 exportés, en particulier en Allemagne. Pour le Fiat G 91, une version AS 30 L (L pour léger) fut développée, avec une masse de 385 kg et une charge de 110 kg.

Pour supprimer l’entraînement des pilotes au guidage du missile, l’étude d’un téléguidage semi-automatique infrarouge fut effectuée dans les années 1960. Ce procédé ne fut appliqué que sur 370 missiles français et il ne fut pas généralisé, du fait de résultats moyens résultant de la dispersion au départ, pour un missile non conçu pour le téléguidage semi-automatique. Une version avec autodirecteur laser fut développée ultérieurement (voir ci-après).

Ce missile a été, dans les années 1960 et 1970, très apprécié ; avec la technologie de l’époque, il permettait l’obtention d’une très grande efficacité sur les objectifs durcis, avec une distance de sécurité (stand off) de 3 km ; l’efficacité était très supérieure à celle des bombes et des roquettes et l’avion tireur n’était pas vulnérable à la DCA par canon.

 

4 cf. chapitre 2, DEFA.

 

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Bien entendu, des faiblesses de ce missile apparurent à la fin des années 1970 : tir limité au temps clair, vulnérabilité aux SACP, mis en service dans ces années 1970, et brouillage de la liaison.

Les Américains avaient un missile équivalent, le Bullpup, mis en service en 1960.

 

 

LES MISSILES AIR-AIR DE LA DEUXIÈME GÉNÉRATION

 

Par rapport à la première période (cf. chapitre 4), la menace s’était modifiée. Avec l’adoption de chasseurs bombardiers, la supériorité de manoeuvre du chasseur sur le bombardier disparaissait, et avec elle la « facilité » d’interception cinématique en secteur arrière. Il était donc demandé à l’intercepteur de pouvoir tirer dans tous les secteurs, et si possible avec une dénivelée ; en outre, les capacités de manoeuvre de la cible n’étaient plus aussi faibles. En 1957, le STAé/ES consulta les deux missiliers sur le futur missile air-air destiné à armer le Mirage III ; deux fiches-programmes, éditées le 19 décembre 1957 par l’EMAA, coexistaient : AA 25 téléguidage et AA 26 autoguidage.

 

Nord 5104 (AA 25)

Compte tenu de son expérience, Nord-Aviation choisit la fiche AA 25 et remit, au début de 1958, le projet du Nord 5104. Son développement démarra en septembre 1958.

La différence avec le Nord 5103 résidait dans le téléguidage automatique, dont la conduite de tir de l’avion devait assurer l’élaboration de l’ordre de guidage. Cette conduite de tir devait comprendre un radar de bord avec deux chaînes de réception, un système additionnel pour la prise en charge du missile et un calculateur associé. Les principales difficultés de développement du système étaient reportées sur la conduite de tir, qui était difficilement réalisable, à la fin des années 1950, avec le niveau de connaissances techniques (le niveau d’échos de sol détecté par le radar aéroporté était mal connu) et avec la technologie disponible.

Le choix du missile pour le Mirage III fut effectué en octobre 1959 et il se porta sur le programme concurrent, AA 26 (on a évoqué plus haut les raisons de ce choix). Cela marqua l’arrêt du Nord 5104 et de l’utilisation du téléguidage pour les air-air.

 

R 530 (AA 26) – Matra

Matra décida de répondre à la fiche AA 26 par le projet du R 530, remis en avril 1958. Nous avons vu que Matra avait choisi la voie de l’autoguidage et qu’en 1957, elle achevait la mise au point du R 511, autoguidé en poursuite.

Le R 530 tenait compte des informations recueillies lors des missions aux États- Unis, en 1958 ; c’était le projet complet d’un missile autoguidé suivant la loi de navigation proportionnelle. Il comportait deux versions, électromagnétique (EM) et infrarouge (IR), ne différant que par l’autodirecteur. Ce projet impliquait plusieurs paris techniques et technologiques.

Comme pour le Nord 5104, le développement du R 530 démarra en septembre 1958 et son choix pour l’armement du Mirage III, en octobre 1959, le lança définitivement.

Durant ces trois années, de 1958 à 1960, avec l’appui du STAé, Matra et ses coopérants, EMD, SAT et TRT, ont réussi à mettre le R 530 au niveau de l’industrie américaine et même à innover en gagnant les paris techniques et technologiques suivants :

- avoir une connaissance approfondie de la loi d’autoguidage de navigation proportionnelle, pour optimiser le guidage ; ce fut une étude réussie de Matra ;

- réaliser un autodirecteur électromagnétique avec un aérien stabilisé ; nous avons indiqué au chapitre 8 que la société EMD en avait démarré l’étude au début de 1959 (en compétition avec CFTH) et qu’au début de 1960, elle présentait un prototype comportant une tête gyroscopique et une électronique transistorisée. Ensuite, en une année, furent effectués à la fois la réalisation par EMD des prototypes d’AD capables d’équiper un missile, du point de vue de la tenue aux environnements, les essais en vol porté de l’autodirecteur avec le radar éclaireur Cyrano et le premier tir réussi du missile autoguidé R 530 EM ;

- réaliser un autodirecteur infrarouge à tête gyroscopique ; nous avons indiqué (chapitre 8) que la SAT avait mis au point, durant ces trois années, d’une part les composants infrarouges valables dans la bande 2 (irdôme, détecteur et refroidisseur), d’autre part l’autodirecteur. Le premier tir eut lieu en septembre 1961 avec un impact sur la cible ;

- réaliser une fusée de proximité électromagnétique en bande X, à antennes plates directives et sans déclenchement intempestif ; nous avons indiqué (chapitre 8) que TRT avait présenté un tel projet. Les prototypes furent réalisés et essayés avec succès en deux ans. Le seul défaut de cette fusée était le maintien de la technologie des tubes subminiatures.

Les caractéristiques et les performances du missile sont les suivantes :

- masse de 196 kg ;

- diamètre de 263 mm ; configuration classique, cruciforme ;

- propulseur à propergol solide (plastolite) à deux niveaux de poussée ;

- pilotage en tangage et lacet avec stabilisation par gyromètre ; pilotage en roulis, pour limiter la vitesse de rotation ; servomoteurs électriques ;

- fusée de proximité et d’impact ; charge à fragmentation de 30 kg ;

- deux autodirecteurs (AD) interchangeables : semi-actif électromagnétique à impulsions et à scanning et infrarouge en bande 2 (« tous secteurs ») ; têtes gyroscopiques avec un débattement de ± 45° et prépositionnées, au départ, sur la cible par les informations du radar de bord ; radôme hémisphérique ;

- performances : distance de tir maximale, en attaque frontale, limitée par la portée des AD (10 km) ; dénivelée maximale de 3 000 m ; domaine d’utilisation en altitude : de 3 000 m (échos de sol) à 18 000 m ; distances de passage réduites (4 m en moyenne) ;

- version IR plus fiable et plus précise, avec de nombreux impacts ; mais elle fut peu utilisée par les opérationnels français, compte tenu de la servitude que représentait le remplissage du réservoir d’azote liquide de l’AD.

Le développement fut mené rapidement :

- mise au point en vol (50 tirs de la version EM et 25 tirs de la version IR) en deux années : 1961 et 1962 ;

- évaluation en 1963 ;

- première livraison en série en avril 1964, conformément au planning établi en 1959.

Entre 1964 et 1980, 2 300 missiles furent produits, dont 1 200 pour l’exportation liée au Mirage III, vers Israël, l’Australie, la Libye, le Pakistan, etc. Le missile a équipé le Mirage III, le Crusader pour l’Aéronavale (l’adaptation au radar et à l’avion fut réalisée sans aucune difficulté, avec des essais en vol aux États-Unis et en France) et le Mirage F1, en attendant le Super 530, mis en service en 1979.

Il connut une phase de refonte à la fin des années 1970, avec le remplacement des composants obsolètes : propergol (isolite au lieu de la plastolite), autodirecteurs, transistorisation du retardateur.

 

La situation de la concurrence, jusqu’à la fin des années 1970

Il n’y a eu en Occident que deux pays concepteurs, les États-Unis et la France, et deux systèmes d’armes d’interception tous temps exportables : le Mirage III-R 530 et le Phantom-Sparrow III. Nous ne comparerons que les performances des missiles. Les avions comportaient des différences : le Phantom était plus lourd, plus cher et emportait quatre Sparrow au lieu d’un pour le Mirage III ; les dimensions supérieures de l’antenne du radar du Phantom entraînaient une portée supérieure pour l’AD EM du Sparrow.

La première version, 7 C, du Sparrow III, décrite sommairement au chapitre 4, a été mise en service en 1960 ; elle fut rapidement remplacée, en 1963, par une version améliorée, 7 E. Les caractéristiques et les performances de ces premières versions du Sparrow sont proches de celles du R 530, sauf sur les points majeurs suivants :

- à l’actif du Sparrow : un autodirecteur doppler semi-actif (nécessité d’un radar de bord comportant un illuminateur continu), ce qui lui permettait des tirs sur des cibles à basse altitude, et une configuration à ailes mobiles, ce qui lui permettait d’avoir un radôme profilé5.

- à l’actif du R 530 : une version infrarouge interchangeable, ce qui était un avantage fondamental du point de vue de la lutte contre le brouillage ; les AD transistorisés, alors que la technologie du Sparrow était celle de 1956 (tubes), d’où une différence de fiabilité ; et des servomoteurs électriques plutôt qu'hydrauliques (pour la commande des ailes), simplifiant technologiquement le missile.

La production de ces versions, jusqu'en 1980, a été de 35 000 exemplaires. Le système Phantom-Sparrow (le missile est lié au radar de bord) a été peu exporté, sauf en Grande-Bretagne. Les pays comme l’Allemagne, n’ayant pas un tel système d’arme, ne pouvaient compter que sur leurs batteries sol-air ou sur les Forces aériennes américaines de l’OTAN.

 

5 Une difficulté des missiles de l’époque était la possibilité de déstabilisation du missile en altitude suite aux aberrations du radôme. La solution, pour le R 530, a été le choix d’un radôme hémisphérique (d’où une aberration très réduite), et pour le Sparrow le choix de l’aile mobile (d’où une tolérance plus importante des aberrations), d’où le choix d’un radôme profilé. La traînée du R 530 était supérieure, tandis que le Sparrow comportait des équipements de pilotage plus complexes.

 

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La version 9 B du Sidewinder infrarouge, décrit au chapitre 4, était un missile de la première génération, mis en service en 1956 et utilisé dès 1958. N’étant pas équipés d’un système d’interception tous temps, la plupart des pays occidentaux ont armé leurs avions de combat avec ce missile ; l’adaptation était facilitée par l’absence de liaison avec la conduite de tir et le montage possible en extrémité de voilure (70 kg). Mais ses capacités d’interception étaient très limitées, parce qu'il devait être tiré en attaque arrière et sans pré positionnement par le radar et qu'il était équipé d’un AD en bande 1 (d'où de nombreux échos parasites).

80 000 exemplaires de cette version 9 B furent fabriqués, y compris pour l’exportation, de 1956 à la fin des années 1960. Dans le cadre de l’OTAN et d’une licence américaine, une fabrication européenne (Allemagne, Grande-Bretagne, Italie, Norvège) fut entreprise sous la maîtrise d’oeuvre de la société allemande BGT ; 15 000 Sidewinder d’une version 9 B améliorée par BGT (fiabilité et accrochage sur cibles parasites) furent produits à partir de 1967. La France, qui avait reçu gratuitement, dès 1960, des Sidewinder pour l’armement de ses avions F 86 et F 100, a acheté des missiles en attendant la mise en service du Magic ; ces derniers ont armé ses avions, sans radar de bord, ces missiles étant disposés en extrémité de voilure. Les Soviétiques, eux, ont copié le Sidewinder 9 B en produisant l’Atoll, et les Chinois ont copié l’Atoll. En définitive, presque tous les pays ont utilisé ce type de missile.

À partir de 1965, les Américains ont commencé à étudier la deuxième génération du Sidewinder, en améliorant la version 9 B ; les versions 9 E et 9 J, pour l’Air Force, et 9 D/9 G/9 H, pour la Navy, furent étudiées et certaines furent produites. Elles offraient une possibilité de prépositionnement et une amélioration de l’autodirecteur, ainsi qu'une augmentation de la masse de la charge et du missile (10,4 kg et 86 kg) et une portée accrue. La version la plus moderne, 9 H, fut mise en service en 1973 : c’était la première version transistorisée (ce qui était vrai dès 1964 pour le R 530), mais l’AD était toujours en bande 1. 11 000 exemplaires de ces versions, en majorité la 9 H, furent produits.

Quant aux Britanniques, ils ont produit le missile de deuxième génération infrarouge Red Top, en bande 2, très proche du R 530 IR, mais sans version EM (d’où l’achat du Sparrow) ; son succès fut réduit.

En définitive, le Mirage III armé avec le R 530 a permis à la France d’être le seul pays occidental à rivaliser avec les Américains dans les possibilités d’interception air-air tous temps. Le R 530 innovait, par rapport aux Américains, en ayant une version infrarouge interchangeable ; en outre, cette version, étant en bande 2, permettait l’attaque « tous secteurs » et n’était pas sensible aux échos parasites infrarouges du sol.

 

 

LES MISSILES AIR-AIR DE LA TROISIÈME GÉNÉRATION

 

À la fin des années 1960, une évolution des missions est apparue, nécessitant une évolution des missiles, appelés « missiles de la troisième génération » ; deux raisons l’expliquaient.

D’une part, les deux systèmes aériens avaient été utilisés au combat sur des terrains « exotiques » : le R 530 par les Israéliens, de 1965 à 1967, et le Sparrow et le Sidewinder au Vietnam, de 1964 à 1973. Ce n’étaient pas des missions d’interception au-dessus d’un territoire ami, doté d’un système coordonné de défense aérienne (comme le STRIDA en France) qui guidait les avions sur la zone où ils seraient capables de détecter les objectifs et ensuite qui affectait à chaque avion ses cibles : c’était des conflits « locaux », pour lesquels les missiles n’avaient pas été conçus. Ils avaient montré leur inaptitude au combat rapproché (distance minimale de tir de l’ordre de 1 000 m).

D’autre part, les performances des menaces avaient évolué : haute altitude (audessus de 20 000 m) et haute vitesse (Mach 2,5) avec le Mig 25 ; basse altitude avec le suivi de terrain.

Le besoin pour deux catégories de missiles air-air était né :

- le missile de combat rapproché et d’autoprotection : il doit être capable d’acquérir de façon autonome la cible dans un vaste champ de recherche et d’être tiré sans aucune limitation d’incidence ou du facteur de charge de l’avion tireur et à courte distance (300 m) ; ses capacités en facteur de charge doivent être très importantes, pour contrer les manoeuvres des cibles pouvant atteindre 9 g (combat tournoyant ou dogfight) ; pour l’acquisition, le missile peut être aidé d’un dispositif optronique ayant les performances adéquates et équipant l’avion ;

- le missile à moyenne portée ou d’interception : il doit, par rapport aux missiles de la deuxième génération, avoir des capacités de dénivelée (vers le haut et vers le bas) très supérieures, d’où une augmentation de la motorisation et des domaines de tir ; ce missile doit être capable d’attaquer des cibles à basse altitude, d’où un autodirecteur à sélection doppler, et de lutter contre le brouillage des cibles, qui devient plus sophistiqué.

 

Les missiles de combat rapproché et d’autoprotection

La famille française, Magic, a été développée par Matra (cf. figures 40, 42 et 43).

Magic 1 est le premier missile au monde conçu pour le combat rapproché. Nous avons déjà indiqué, au chapitre 8, que sa définition résultait des besoins des armées de l’Air, mis en évidence lors des opérations aériennes menées par les Israéliens avec le Mirage III J équipé du R 530. Ce missile comporte deux innovations principales.

D’une part, l’acquisition autonome de la cible dans un champ important, de l’ordre de ± 40° (absence de radar de bord ou radar non accroché). Elle est assurée par l’autodirecteur, de manière astucieuse : contrairement à la tête gyroscopique, il y a séparation entre le gyroscope de stabilisation de l’antenne (navigation proportionnelle) et le système optique de détection infrarouge, monté sur cardans. Pour la recherche, le détecteur est découplé du gyroscope6 et la vitesse de balayage peut atteindre 300°/s ; durant le tir, l’axe du détecteur est asservi à la direction de l’axe de la toupie du gyroscope, lui-même étant asservi à la direction de la cible.

D’autre, part, le tir est possible sans limitation de facteur de charge de l’avion, à une distance de tir minimale de 300 m et sur des cibles en évolution : on a un missile très manoeuvrant (35 g par plan) et ayant une constante de temps de guidage très réduite.

Ses principales caractéristiques sont :

- autoguidage infrarouge en bande 2 ; mais, avec un détecteur monocellule (technologie de 1970), la portée réduite de l’AD a entraîné la limitation du tir au domaine arrière ;

- interchangeabilité au niveau de l’accrochage sur avion avec le Sidewinder : véhicule de masse voisine (89 kg) ; lance-missile spécifique du Magic, comportant l’électronique de commande de la recherche et la bouteille d’azote sec pour le refroidissement de la cellule (cf. chapitre 8, SAT) ;

- configuration canard, avec deux originalités : « double canard » comportant un empennage fixe suivi d’une gouverne mobile (forte manoeuvrabilité) ; et seul le fuselage du missile est stabilisé en roulis (voilure en auto-rotation, comme pour le Matra R 422), pour contrer la difficulté de stabilisation en roulis du canard ;

- fusée de proximité Matra infrarouge ; charge à fragmentation de 12 kg ;

- performances en domaine de tir dans la zone arrière de la cible : portée de 300 m à 4 000 m et altitude de 50 m à 12 000 m ; forte accélération au départ : augmentation de vitesse de Mach 1,5 environ.

Le Magic 2 est la version améliorée, suite aux progrès technologiques ; les modifications ont été les suivantes :

- augmentation de la sensibilité de l’AD infrarouge, par adoption d’un détecteur multiéléments, ce qui a permis une détection des cibles en attaque frontale avec une portée telle (au moins 4,5 km) que le Magic 2 soit « tous secteurs » ;

- amélioration de l’AD pour la résistance aux leurres infrarouges utilisés après 1980 ;

- adoption d’une fusée de proximité « tous secteurs » (fusée TRT électromagnétique) ;

- électronique partiellement numérisée ;

- impulsion du propulseur augmentée grâce à l’adoption du propergol butalane moulé-collé ;

- domaine en altitude accru, grâce à l’adoption de gyromètres de stabilisation en tangage et en lacet.

Le Magic 1 a été développé à partir de 1969 et mis en service en 1975, tandis que le Magic 2, développé à partir de 1978, a été mis en service en 1986. 11 000 missiles ont été produits, dont 7 000 Magic 1. La commande française fut  de 3 700 exemplaires, avec sensiblement la même quantité pour le 1 et le 2. Le missile a été exporté dans 18 pays – en Grèce, au Moyen-Orient (Libye, Irak, Égypte, Koweït...), en Amérique du Sud et en Asie (Taïwan...) – et il a été copié en Chine et en Afrique du Sud.

 

6 La tête gyroscopique, ayant une vitesse de précession limitée, ne peut effectuer de recherche ; une recherche rapide nécessite une grande bande passante pour le détecteur, d’où une réduction importante de sa portée.

 

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Il a été employé dans plusieurs conflits, dont la guerre Irak-Iran et la guerre du Golfe. Il a équipé (ou équipe, en 1995) de nombreux avions, en particulier en extrémité de voilure : Mirage III, Mirage 50, Mirage F1, Jaguar (au-dessus de la voilure pour la version britannique), Crusader, Étendard et Super Étendard, Mirage 2000, Rafale, Sea Harrier, Hawk, F 16, Mig 21 et 23 (en Irak). Le couple Mirage 2000-Magic 2 était jugé, en combat, comme le meilleur du monde.

Les Américains, parallèlement, ont amélioré le Sidewinder et ont développé à partir de 1971 la version 9 L, mise en service en 1978, et ensuite la version 9 M, mise en service en 1983, tout en niant le besoin de missiles de combat rapproché.

Le Sidewinder 9 L diffère principalement de la dernière version de la deuxième génération, la 9 H, par l’adoption de la bande 2 pour l’AD, d’où une possibilité de tir « tous secteurs » (rappelons que c’est dès 1964 que fut mis en service le R 530 équipé d’un AD en bande 2), par une amélioration de l’aérodynamique (forme et surface de la gouverne), pour augmenter la maniabilité, et par une fusée laser active.

Mais ce missile était inférieur en manoeuvrabilité au Magic et il nécessitait une acquisition de la cible par un moyen extérieur au missile (différence importante avec le Magic) ; il fallut attendre la mise au point du viseur de casque pour utiliser le 9 L en combat rapproché. L’AD avait de plus une résistance aux leurres inférieure à celle du Magic 2.

Le Sidewinder 9 M, lui, se distingue par l’adoption d’un refroidisseur à cycle fermé et d’un propergol à fumée réduite (en avance, sur ces deux points, sur la technologie française).

Aux Etats-Unis, pour ces versions 9 L et 9 M, 35 000 exemplaires ont été fabriqués, la production étant arrêtée en 1991. Pour l’ensemble des versions du Sidewinder, 126 000 exemplaires ont été produits, dont 53 000 pour l’exportation, hors production sous licence. Une production en Europe de la version 9 L (Allemagne, Grande-Bretagne, Norvège, Italie…), sous licence, de 15 000 exemplaires fut réalisée sous la maîtrise d’oeuvre de BGT, dans les années 1980, ce qui représente l’équivalent de la production du 9 B indiquée plus haut. Le Japon a aussi acquis la licence du 9 L.

 

Les missiles à moyenne portée ou d’interception

La famille française Super 530 a été développée par Matra (cf. figures 40 et 41). Le missile R 530 nécessitait une refonte complète pour l’adapter à l’évolution des menaces décrites ci- dessus.

Le Super 530 F est un nouveau missile. Il n’a gardé, du R 530, que le diamètre (263 mm) et l’interchangeabilité avec le lance-missiles. Ce diamètre était adapté à la technologie du R 530 (datant de 1958). Un diamètre de 220 mm aurait été plus rationnel pour le Super 530, mais l’EMAA jugeait qu’un dérivé conservant le diamètre réduisait le coût du développement.

Le Super 530 F a été développé à partir de 1969 pour être adapté au Mirage F17. Ses principales caractéristiques et performances sont les suivantes :

- autodirecteur EM semi-actif à impulsions : nous avons indiqué plus haut (chapitre 8, EMD) les raisons qui ont entraîné le choix, pour le F1, d’un radar de bord sans illuminateur continu ; l’attaque de cibles à basse altitude n’était pas possible. En revanche, l’AD était moderne (antenne monopulse, radôme profilé et technologie électronique de 1970) et sa portée était doublée par rapport à celle du R 530 (gains des antennes du radar et de l’AD nettement augmentés) ;

- configuration classique, mais avec réduction de l’envergure de la voilure (0,64 m, au lieu de 1,1 m pour le R 530) pour faciliter le montage sous avion ;

- masse de 245 kg ;

- propulseur plus performant que pour le R 530 : masse de 115 kg (+ 49 kg) et utilisation d’une butalane comme propergol ;

- fusée de proximité Thomson, électromagnétique à corrélation (cf. chapitre 8, CFTH), et charge à fragmentation Brandt de 32 kg ;

- performances : tir dans le domaine du F1 avec Mach maximum de 4,5 pour le missile ; dénivelée possible de 9 000 m, permettant l’attaque de cibles à 21 000 m ; altitude minimale limitée par l’AD, variant de 1 000 m en attaque arrière à 3 000 m en attaque frontale ; distance de tir maximale de 25 km ; distance de tir minimale de 1 000 m.

Ce missile fut mis en service en 1979 ; il avait subi un étalement de son développement, pour des raisons budgétaires. Il faut noter que quelques interceptions d’essai eurent lieu au CEL, en 1975, avec une dénivelée de 8 000 m sur une cible supersonique américaine AQM 37 A volant à un Mach supérieur de 0,9 par rapport à l’avion de servitude tireur (Vautour).

En plus du F1, le Super 530 F a été adapté aux premiers Mirage 2000 équipés d’un radar à impulsions RDM. 1 200 missiles furent produits jusqu’en 1988 : 650 pour la France et 550 pour l’exportation avec le F1, vers l’Irak, le Koweït, la Jordanie et la Qatar. Le Super 530 F a été utilisé dans le conflit Irak-Iran.

Le Super 530 D est la version adaptée au Mirage 2000 équipé d’un radar de bord pulse doppler (nommé RDI, radar doppler à impulsion). Les principales différences de caractéristiques par rapport au F sont les suivantes :

- autodirecteur EMD semi-actif doppler (cf. chapitre 8, EMD), avec la technologie numérique de 1980 (microprocesseur pour la gestion) ; portée de l’AD nettement augmentée : 50 km ; très grande résistance aux contremesures modernes ;

- pilote calculateur partiellement numérisé ;

- véhicule plus performant : masse et longueur augmentées (+ 30 kg et + 265 mm), propulseur d’impulsion totale supérieure de 16 %, avec une enveloppe composite SEP ;

- performances : vitesse maximale de Mach 5 ; dénivelée possible accrue, permettant l’attaque de cibles à 24 000 m ; altitude minimale des cibles de 60 m ; distance de tir maximale de 50 km, avec une distance d’interception de 35 km.

 

7 Le « F » du Super 530 correspond à l’avion F1.

 

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Pour l’époque, ce missile était « le must » du point de vue des performances. Lancé en développement en 1977, il fut mis en service en 1987. 1 000 missiles ont été produits, dont 620 (dont 30 d’entraînement) pour la France. Il a été exporté avec le Mirage 2000 vers l’Égypte, l’Inde, Abu Dhabi, la Grèce.

Il a été très utilisé par l’armée de l’Air française en patrouille avec fonctionnement de l’AD, sans tir, durant la guerre du Golfe et le conflit en ex- Yougoslavie. Cette utilisation n’avait pas été prévue et le potentiel de fonctionnement de l’AD (la mécanique) était limité à 25 heures ; mais il a pu être augmenté à 200 heures après essais.

De son côté, la troisième génération américaine est constituée par les versions 7 F et 7 M du Sparrow. Le véhicule a été amélioré ; mais c’est surtout l’AD qui nécessitait une modernisation. La fiabilité de la version Sparrow 7 E utilisée durant le conflit au Vietnam était considérée par les rapports au Sénat américain comme inacceptable ; l’AD était resté à la technologie « tube ».

La version 7 F, comportant une technologie à état solide, ne fut mise difficilement en service qu’à partir de 1978, du fait de défauts rencontrés durant la phase d’évaluation ; nous en verrons les conséquences avec le lancement précipité de son successeur, l’AMRAAM (Advanced Medium-Range Air-to-Air

Missile)8. En outre, la résistance au brouillage n’était pas satisfaisante.

La version 7 M fut développée avec un autodirecteur monopulse et une technologie numérique et mise en service en 1983 ; ses performances étaient proches de celles du Super 530D.

La production de ces deux versions fut de 26 000 exemplaires, dont 16 300 pour la 7 M ; d’autres avions que le Phantom en furent équipés : F 14, F 15, F 16 et F 18.

La Grande-Bretagne (BAe), elle, a acquis, au début des années 1970, la licence du véhicule de la version Sparrow 7 E ; elle a produit, dès 1978, un missile de troisième génération, le Sky Flash, en l’équipant d’un AD Marconi semi-actif doppler en technologie à état solide ; il a équipé le Phantom, le Tornado et le Gripen suédois. L’Italie a aussi acquis la licence et a produit, à titre domestique, l’air-air Aspide et des dérivés sol-air.

 

Conclusions sur les missiles de troisième génération

Pour le combat rapproché, le Magic était compétitif et même en avance sur les missiles américains ; dans les essais entre alliés, il se montrait supérieur.

Pour le missile d’interception, le Sparrow était supérieur, jusqu’en 1987, au Super 530 F pour l’attaque des cibles à basse altitude ; mais il était moins fiable. Après 1987, les deux missiles Super 530 D et Sparrow 9 M avaient des performances équivalentes.

Mais la différence de la quantité produite est très grande : 11 000 Magic 1 et 2, contre 35 000 Sidewinder 9 L et 9 M, plus 15 000 9L fabriqués en Europe ; 2 200 Super 530, contre 26 000 Sparrow 7 F et 7 M.

 

8 Voir chapitre 13, Matra.

 

LES MISSILES AIR-SOL AUTOGUIDES

 

Ces missiles ont été conçus dans les années 1960, lors de la mise en service des chasseurs bombardiers, avec l’objectif d’augmenter l’efficacité de la destruction de cibles de dimensions réduites en utilisant des missiles précis ; la recherche de la réduction de l’attrition de l’avion tireur était aussi un objectif. En conséquence, l’autoguidage était la solution.

Trois voies se sont présentées : l’antiradar, la télévision et le laser, cette dernière uniquement à partir de la fin des années 1960. L’EMAA et l’Aéronavale ont été intéressés au missile antiradar dès 1962 et à l’armement guidé laser à partir de 1974, les Américains ayant été les premiers à utiliser ce dernier type de missile au Vietnam ; le missile TV n’a pas été retenu par les états-majors français.

 

Les missiles antiradars

L’historique de la coopération franco-britannique sur le Martel AR (AS 37) de Matra (voir figures 44 et 45) a déjà été retracé au chapitre 7. Il répondait à un besoin urgent des armées françaises (lié à une éventuelle pénétration du Mirage IV) et britannique. Les radars cibles étaient en priorité les radars de surveillance de la défense aérienne du territoire et des systèmes SAMP terrestres ou navals (ceux des SA 2, puis des SA 6 soviétiques). Nous avons déjà indiqué (chapitre 8, EMD) les caractéristiques de ces cibles et les principes de l’AD.

Les principales caractéristiques du missile et ses performances sont les suivantes :

- autoguidage passif intégral, avec ordre de tir donné par le pilote, après accrochage de l’AD. Avant le tir, le pilote avait une connaissance de la fréquence d’émission du radar accroché par l’AD, de son gisement et d’une valeur approximative de la distance avion-radar (détermination par la méthode de la variation du gisement) ; il pouvait comparer ces données avec celles du radar objectif qui lui avaient été fournies ;

- véhicule de configuration classique ; interchangeabilité avec l’AS 30 pour le montage sur avion, d’où la masse de 540 kg ;

- diamètre de 400 mm, permettant l’adoption d’un aérien capable de détecter des radars en bande L basse (800 Mhz) ; - ensemble propulsif comportant deux propulseurs séparés (230 kg) ; Mach maximum de 3 ;

- calculateur analogique ;

- fusée de proximité à corrélation Thomson (déclenchement sur l’antenne et non sur le sol lors du piqué final) ; charge Brandt à effet de souffle, capable de détruire une antenne de radar de veille avec une distance de passage maximale de 10 m, possible avec les échos parasites de réflexion ; masse de la charge de 150 kg (120 kg d’explosif) ; - distance de passage moyenne de 4 m ;

- trajectoire dans le plan vertical se terminant par un piqué du missile sur la cible, en navigation proportionnelle avec un angle d’attaque supérieur à 60° par rapport au sol ;

- tir de la très basse altitude, avec une portée variant de 15 à 35 km, à l’altitude de 12 000 m, avec une portée maximale variant de 90 km à 150 km suivant le Mach de tir (0,8 à 1,5).

Le calendrier du développement a été le suivant :

- lancement en 1964 ;

- mise au point en vol achevée à Colomb-Béchar en mars 1967, après 25 tirs de missiles, dont celui effectué le 20 mars 1967 avec destruction de l’antenne par la charge ;

- fin du développement en 1969 et mise en service en 1972.

Le missile a été retiré du service à la fin des années 1990. Il a équipé les avions Mirage III E, Jaguar, Atlantic et Buccaneer. La production fut limitée à 300 exemplaires : 100 pour l’EMAA, 50 pour l’Aéronavale et 150 pour la Grande- Bretagne. L’armée de l’Air a détruit le radar de surveillance libyen d’une batterie sol-air russe SA 6, lors d’un conflit au Tchad (terrain d’Ouadi-Doum), en 19879.

Dans les années 1970, le Martel (AR) était interdit d’exportation, sauf pour les pays de l’OTAN. Une version purement française, Armat, fut développée pour l’exportation (vers le Moyen-Orient) de 1978 à 1982. 160 missiles furent produits pour équiper le Mirage F1 et le Mirage 2000 ; de nombreux radars iraniens furent détruits durant la guerre Irak-Iran.

Comme nous l’avons indiqué plus haut (chapitre 8, EMD), les progrès de la technologie avaient permis d’améliorer l’AD ; une modernisation du Martel a alors été effectuée, dans les années 1980.

Les Américains, eux, développèrent, dans les années 1960, le missile Shrike ; c’était le véhicule du Sparrow, avec son diamètre de 200 mm et une portée de 18 km. Avec ce diamètre et la technologie de l’époque, il n’était capable que de l’attaque de conduites de tir, et non des radars de veille, comme le Martel. Avec les conduites de tir, le problème de l’arrêt éventuel de l’émission du radar se posait. Les résultats globaux furent décevants durant la guerre du Vietnam et durant la guerre du Kippour menée par les Israéliens ; le Shrike fut constamment modifié et enfin abandonné, malgré une production de 20 000 missiles.

En 1984, le missile Harm, bénéficiant de la technologie des années 1980 (missile de la troisième période), fut mis en service par les Américains. L’Allemagne l’a adopté à la fin des années 1980 et il a été très utilisé durant la guerre du Golfe. Son fonctionnement semble satisfaisant (les résultats sont classifiés), mais il est critiqué pour son coût.

Conclusion sur le missile antiradar : au début de la deuxième période, la réalisation d’un antiradar efficace était difficile. Le Martel, avec la technologie disponible, était un bon missile, ambitieux en mission. Il est dommage que les Américains  ne l’aient pas adopté et que la France, malgré des développements exploratoires, n’ait pas développé, dans les années 1980, de missile modernisé.

 

9 Le général Forget, ancien commandant des Forces aériennes tactiques au début des années 1980, a indiqué, lors du colloque sur La guerre électronique en France au XXe siècle organisé en avril 2000 par le Département d’histoire de l’armement, que l’expérience acquise sur le Mirage III E-Martel a tout de même été enthousiasmante pour les pilotes les plus confirmés, même si la mission était particulièrement éprouvante par mauvais temps ou à très basse altitude (avion monoplace et sans aides au pilotage performantes). Les actes de ce colloque sont disponibles au Département d’histoire de l’armement.

 

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Le missile télévision

Le Martel TV (AJ 168 pour les Britanniques) de BAe est un missile guidé suivant le procédé du téléguidage indirect (cf. annexe 3). Nous présentons ce missile compte tenu de sa parenté avec le Martel (AR). Nous ne le décrirons que sommairement, puisqu’il n’a pas été adopté par la France ; l’historique du programme et les raisons du choix français ont déjà été donnés au chapitre 7. Les équipements spécifiques, par rapport à l’AR, sont les suivants :

- bloc de guidage : guidage mi-course sur cap (gyroscope axial Eliott) suivi, en final, d’un téléguidage indirect : détection de la cible par la caméra TV du missile (quelques km de portée), transmission de l’image à l’avion tireur situé à distance (20 à 30 km environ) avec, en retour au missile, l’ordre de guidage élaboré par le pilote (à l’aide d’un petit manche) ;

- liaison Marconi très sophistiquée (bande X) ;

- lors du guidage mi-course, le pilote pouvait effectuer des corrections de trajectoire, en cas de passage sur des repères prévus et détectés par la caméra ;

- charge semi-perforante et absence de fusée de proximité : objectifs durs (béton et acier) ;

- trajectoire à faible altitude (300 m environ) et en subsonique, avec une portée maximale d’environ 36 km, d’où un profil de poussée du propulseur de croisière différent de celui de l’AR (durée de combustion d’environ 100 s au lieu de 22 s).

C’était le premier missile tactique air-sol TDS (tiré à distance de sécurité) et il n’avait pas d’équivalent à cette époque ; il fut mis en service en 1973, uniquement par les Britanniques. Ce programme n’eut pas de succès auprès des autres armées de l’Air occidentales : elles trouvaient ce missile coûteux (du fait de l’installation d’un pod sous avion pour la liaison) et étaient trop optimistes sur l’attrition des avions procédant à un bombardement à basse altitude, avec des bombes freinées ; il fallut attendre la guerre du Golfe pour que cette dernière opinion se modifie10.

Le seul programme américain autoguidé TV de cette deuxième époque a été le Maverick, versions A et B, dont l’objectif était le char : c’était un missile de 210 kg avec une charge creuse de 56 kg et une portée de 15 km ; il était tiré après accrochage de la caméra sur la cible (d’où un problème de la portée). C’était l’armement antichar de l’Air Force et de la Navy ; il a été mis en service en 1972, produit à 35 000 exemplaires et exporté ; il a été très utilisé en 1973 au Vietnam, lors de la guerre du Kippour par les Israéliens et lors de la guerre du Golfe (5 100 missiles tirés).

 

10 Voir Troisième période, chapitre 11.

 

L’armement guidé laser

Un illuminateur séparé du missile est nécessaire, et c’est lui qui désigne l’objectif ; le faisceau étant étroit (ordre de grandeur : le mrad), la surface éclairée (appelée la tache) est faible, et le missile se guide vers l’objectif situé dans la tache qui a le plus grand coefficient de réflexion diffuse (par exemple un bunker en béton par rapport à un environnement en terre).

Ce sont les Américains qui ont créé le concept de la bombe guidée laser et qui furent les premiers utilisateurs de ce type d’armement au Vietnam, avec la destruction du pont de Than Toa, en 1972, par un seul raid de 8 Phantoms et sans perte, alors qu’entre 1965 et 1968, de nombreux largages de bombes classiques avaient eu lieu, avec comme seul résultat la perte de 10 avions11. Nous avons déjà donné l’historique, en France, du lancement de l’armement air-sol laser et évoqué les acteurs industriels concernés (voir chapitre 7 et 8).

L’AS 30 laser de l’Aérospatiale est semblable au missile AS 30 décrit ci-dessus, avec la suppression du récepteur de télécommande et l’adjonction dans le nez d’un autodirecteur laser, d’un gyroscope axial et d’une électronique de guidage associée. L’autodirecteur de Thomson-CSF, Ariel, fournit les ordres pour une trajectoire en navigation proportionnelle ; il est associé au pod avion de désignation Atlis, équipé d’un laser émettant à 1,06 micron ; la précision d’impact (CEP) est métrique, donc excellente. Le véhicule AS 30 était bien adapté pour plusieurs raisons :

- portée aérodynamique de 11 km, correspondant à la visibilité moyenne de la cible de jour et à la portée maximale de l’AD (un guidage sur cap, avec le gyroscope axial, durant quelques km, peut avoir lieu avant l’accrochage de l’AD) ;

- distance de sécurité pour l’avion d’environ 6 km avec cette portée de tir ;

- vitesse de Mach 1,4 à l’impact et charge semi-perforante de 240 kg, permettant la pénétration et la destruction de tout objectif durci en béton pouvant atteindre 1,20 m d’épaisseur, compte tenu de la précision et de la vitesse d’impact.

L’AS 30 laser équipe le Jaguar, le F1, le Mirage 2000 D et le Super Étendard. La mise en service en France eut lieu en 1988 et 950 missiles furent produits, dont 65 % pour l’exportation. Il fut utilisé durant la guerre du Golfe (tir de 57 missiles) et fut très apprécié pour ses résultats et pour la réduction de l’attrition de l’avion tireur durant le tir.

Les bombes guidées laser (BGL) de Matra sont des armements constitués par le corps de la bombe et par deux kits communs à l’ensemble de la famille : le kit avant de guidage, comprenant l’autodirecteur Eblis et le pilote, l’ensemble des gouvernes avec les servomoteurs et la pile, et le kit arrière, avec la voilure, pour accroître la manoeuvrabilité de la bombe.

L’intérêt de la BGL est de pouvoir disposer d’une famille de bombes (250, 400 et 1 000 kg) avec le développement d’un seul kit de guidage et de disposer d’un armement de prix inférieur au missile ; la loi de poursuite en guidage peut être utilisée, ce qui simplifie l’autodirecteur.

 

11 Michel FORGET, Puissance aérienne et stratégies, ADDIM, 1996.

 

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Les inconvénients, par rapport au missile, sont une portée maximale réduite (7 km environ, sans propulsion), une précision légèrement inférieure (influence du vent) et une vitesse d’impact inférieure.

En France, la DTCA ne développa que des BGL de 400 kg et de 1 000 kg, l’intérêt prioritaire se portant sur cette dernière, étudiée pour traverser 3 m de béton. La BGL équipe les mêmes avions que l’AS 30 L et utilise le pod de désignation laser Atlis. La mise en service en France eut lieu en 1985 et 800 BGL (400 et 1 000 kg) furent produites, dont 60 % pour l’exportation. La BGL fut utilisée durant la guerre du Golfe.

Les Américains sont les seuls concurrents sur cet armement, avec le programme Paveway ; dans cette deuxième période, ils ne développèrent que des bombes guidées, similaires aux BGL et notamment de masses voisines : 225, 450 et 900 kg. Les différences fondamentales sont une mise en service antérieure et une quantité produite très supérieure.

Paveway I fut mis en service à la fin des années 1960 ; 25 000 bombes ont été larguées au Vietnam, avec une estimation américaine de 18 000 objectifs détruits. Paveway II (guidage amélioré et utilisation d’un pod situé sous l’avion tireur) fut mis en service en 1977 ; plus de 7 000 bombes ont été larguées durant la guerre du Golfe.

Enfin, la version plus moderne, Paveway III, a été mise en service en 1987 et a équipé en particulier le F 117 durant la guerre du Golfe. Environ 150 000 kits Paweway I et II ont été produits, pour une utilisation par 30 pays, dont la Grande-Bretagne et la France lors de la guerre du Golfe.

 

LES MISSILES ANTINAVIRES

 

Ce sont les Soviétiques qui ont mis en service, dans les années 1960, le premier missile mer-mer, le Styx. Nous avons indiqué (chapitre 8, Nord-Aviation) que la destruction de l’Eilath, en 1967, a été, pour toutes les Marines, le détonateur du besoin de disposer de missiles antinavires ; cela a conduit la France à lancer le développement du premier missile volant au ras des flots (appelé « deuxième génération »).

 

Première génération (conception avant 1967)

Le Styx russe, mis en service en 1959, était un gros missile téléguidé de 2 300 kg, avec une charge de 450 kg, un propulseur à propergols liquides, une portée de 40 km, un vol à 100 m d’altitude. Il existait d’autres missiles soviétiques à grande portée, pesant de 3 à 4 tonnes.

Le MM 12 de Nord-Aviation avait 6 km de portée. Il était téléguidé manuellement avec liaison filaire, avait une charge de 30 kg et avait pour cibles les navires de faible tonnage. Il fut mis en service en 1966 (cf. supra).

 Le RB 08 suédois, utilisant le véhicule du CT 20 (M 20), avait, comme ce dernier, une masse en vol de 900 kg et une portée de 200 km, ainsi qu’une altitude de vol de 250 m. Il utilisait un téléguidage radar suivi d’un autoguidage radar, avec un AD actif à impulsions réalisé par CSF. Il avait une charge de 250 kg. Il était dédié au survol du navire, d’où au mieux une démolition des superstructures. 98 véhicules furent produits par Nord-Aviation ; le missile fut mis en service en 1967.

Le Gabriel israélien avait une masse de 400 kg, une charge de 180 kg et 20 km de portée. Utilisant le téléguidage, il avait une altitude de vol de 20 m (ultérieurement 4 m) ; il fut mis en service en 1968.

 

Deuxième génération de missiles à moyenne portée : la famille Exocet12

Elle a été développée par Nord-Aviation. La définition de base, commune à la famille, repose sur deux solutions techniques qui étaient, en 1968, possibles pour Nord-Aviation et qui innovaient par rapport à la première génération :

- réaliser un missile « tire et oublie » grâce à un guidage mi-course inertiel, mis au point au titre du programme AS 33, suivi d’un autoguidage électromagnétique actif ;

- augmenter l’efficacité en supprimant le piqué final grâce à un vol au ras des flots à l’impact (sea skimming) ; en effet, les essais de l’AD de l’AS 34, effectués au CEV, avaient montré une amélioration de la précision d’impact par une telle arrivée. Le radioaltimètre nécessaire existait et l’étude de faisabilité de ce type de trajectoire était achevée13.

Les éléments communs à la famille sont :

- configuration classique ; diamètre de 350 mm (celui de l’AS 30) ;

- groupe propulsif à propergol solide avec propulseur d’accélération et propulseur de croisière « brûlant en cigarette » ; vitesse subsonique de l’ordre de 300 m/s ;

- charge semi-perforante de 165 kg ;

- guidage : centrale inertielle « simplifiée » pour le guidage mi-course ; radioaltimètre TRT pour le guidage basse altitude ; autodirecteur EMD actif, baptisé ADAC, avec accrochage de la cible à une portée de quelques km ; altitude de croisière de 15 m, décroissant en fin de trajectoire jusqu’à 7 m à 3 m, suivant l’état de la mer (hauteur des vagues) ; l’objectif était l’obtention d’un impact le plus près possible de la ligne de flottaison ;

- l’autodirecteur élabore une télémétrie numérique très précise (1 m), qui sert de fusée de proximité en cas de passage au-dessus des superstructures de navires de petites dimensions (vedettes).

 

12 Pour les détails, on se reportera à Bernard ESTIVAL et Jean GUILLOT, L’extraordinaire aventure de l’Exocet, éd. de la Cité, 1988. C’est M. Guillot, directeur à Nord-Aviation, qui a proposé ce nom de poisson, aussi appelé « poisson volant », un poisson allongé aux nageoires pectorales développées en forme d’ailes.

 

13 À ma connaissance, cette idée semble être apparue entre 1964 et 1966 chez Nord-Aviation et en Grande-Bretagne au RAE, d’après les échanges d’information que j’ai eus sur le projet AM 15.

 

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Le MM 3814 est le premier missile mer-mer de la deuxième génération, conçu en 1968. Les principales caractéristiques et performances spécifiques à la version sont les suivantes :

- portée maximale de 38 km (propulseur) ; elle permet, malgré la rotondité de la Terre, l’acquisition du navire cible par le radar de surface du navire tireur ; aucun recalage du missile et aucune surveillance du navire cible durant le vol du missile n’étaient nécessaires. Une vedette rapide d’une Marine secondaire pouvait attaquer une frégate d’une Marine d’une puissance supérieure. Il faut noter que la probabilité d’accrochage de l’AD est très importante pour cette portée (cela reste valable jusque 70 km environ), en tenant compte de la dérive du guidage inertiel retenu et de l’absence de recalage de la position cible ;

- véhicule d’une masse de 735 kg ;

- tir d’un conteneur lanceur (1 750 kg pour la munition) ;

- installation de tir reliée au système de commandement du navire tireur ;

- centrale initialisée, avant le départ du missile, sur la cible ; possibilité d’un tir avec dépointage de ± 30° par rapport à la direction de la cible.

Le développement s’est déroulé rapidement : lancement à la fin de 1968 et première livraison, en Grèce, en 1972 ; le seul incident rencontré a touché la mise au point de la mise à feu de la charge, comportant initialement un relais en poudre noire dont la caractérisation était difficile.

Le missile a été mis en service en France en 1974 et il a eu un grand succès à l’exportation : 18 Marines l’ont adopté : Grèce (première commande en 1968), Allemagne (commande en décembre 1970), Grande-Bretagne (commande en 1971), Malaisie, Argentine…

L’AM 39, dérivé du MM 38, a été lancé en développement en 1974. Ses caractéristiques et performances spécifiques sont les suivantes :

- véhicule d’une masse de 655 kg ;

- corps du propulseur en acier soudable maraging, en remplacement de l’aluminium retenu pour le MM 38 ;

- vitesse de croisière en haut subsonique ;

- tir du missile à partir d’un lance-missile classique ;

- portée maximale de 50 à 70 km, suivant l’altitude et la vitesse de lancement ;

De nombreux avions et hélicoptères équipés d’un radar anti-surface ont été armés de l’AM 39 : Super Étendard, Mirage F1, Atlantique 2, Rafale, Super Puma, Super Frelon, Sea King…

Il a été mis en service en France en 1980 et il a été exporté (en particulier en Argentine et en Irak). Il a été utilisé durant plusieurs conflits. Lors de la guerre des Malouines, en 1982, les Argentins ont tiré, à partir du Super Étendard, les cinq missiles en leur possession ; ils ont détruit en particulier les navires britanniques Sheffield et Atlantic Conveyor. Les Irakiens, à partir du Super Étendard (cinq avions « prêtés » par la Marine française) et du F1, l’ont utilisé pendant la guerre Irak-Iran (selon des sources irakiennes, il y aurait eu 47 navires touchés pour 67 tirs15).

 

14 Il y avait coïncidence, pour le « 38 », entre la numérotation du STAé, suivie par Nord-Aviation, et la portée maximale. Les programmes antinavires suivants ont été numérotés 39 et 40.

 

15 Contre-amiral Bernard Estival, Les missiles navals, Larivière, 1990.

 

Le SM 39 est la version pour tir de sous-marin. C’est un missile AM 39 aux ailes repliées. Lors du tir, le missile est contenu dans une capsule étanche, en matière composite et bobinée, légère et résistante ; elle est propulsée et guidée. Le missile en est éjecté, dès la sortie de l’eau, avec une culmination à faible altitude (30 m) pour plus de discrétion et il commence son vol comme les autres missiles de la famille. La portée est réduite à 50 km. L’ECAN de Ruelle a eu la responsabilité de la partie sous-marine.

Il a été lancé en développement à la fin de 1978 et mis en service en 1985 ; ce missile est, par principe, d’exportation très contrôlée (vente accompagnant celle de sous-marins français, comme en 1994 au Pakistan).

 Le MM 40 est une version améliorée du MM 38. Compte tenu du lancement des programmes Otomat et Harpoon, ayant une portée très supérieure au MM 38 grâce à l’utilisation d’un turboréacteur, l’Aérospatiale a réagi, en 1975, en lançant le MM 40 ; mais son utilisation nécessite un système de détection et d’identification des cibles au-delà de l’horizon. Ses caractéristiques sont les suivantes :

- portée maximale avec une propulsion à propergol solide : 70 km ; mais la longueur et la masse étaient augmentées : 5,8 m de longueur et 860 kg (soit 125 kg de plus).

- conteneur cylindrique, en composite bobiné ; par rapport au MM 38, le diamètre est réduit pour diminuer l’encombrement de la munition (ailes et gouvernes repliées) ; masse de 1 250 kg pour la munition ;

- technologie de 1975 : modernisation de l’AD (deuxième génération) et du calculateur, avec une électronique numérisée ; protection contre les contrecontre- mesures et meilleure pénétration des défenses par exécution de manoeuvres du missile en fin de vol.

Il a été mis en service en France en 1982 et il a été exporté au Moyen-Orient, en Asie, en Amérique du Sud… Une batterie côtière a été réalisée pour l’exportation.

En 1995, 2 800 missiles de la famille avaient été commandés, dont 500 environ destinés à la Marine française ; la répartition est classifiée, mais l’ordre de grandeur est le suivant : 75 % en MM, 20 % en AM et 5 % en SM. 29 Marines (ou armées de l’Air pour l’AM 39) en sont équipées : 18 pour le MM 38, 12 pour le MM 40 et 10 pour l’AM 39. En 1999, 33 pays sont concernés, pour 3 200 missiles. Suite à l’achat du MM 38 par la Grande-Bretagne et à l’accord gouvernemental de 1971, une sous-traitance en production a eu lieu.

 

Les missiles concurrents à moyenne et grande portée de deuxième génération

Les deux principaux sont l’Otomat franco-italien de Matra et Oto Melara et le Harpoon américain. Ces deux missiles innovaient, par rapport à  l’Exocet, par la propulsion de croisière comportant un turboréacteur16 ; ce sont les premiers missiles de croisière tactiques qui nécessitaient une détection au delà de l’horizon.

L’historique de l’Otomat a été indiqué au chapitre 8 (Matra). Sa conception est identique à celle de l’Exocet, sauf pour la portée et la possibilité de recalage en vol. Ses principales caractéristiques et performances sont les suivantes :

- véhicule ayant la configuration du Martel, avec le diamètre de 400 mm et une masse de 790 kg, y compris les deux boosters latéraux largables ayant une masse de 158 kg ; tir d’un conteneur ;

- turboréacteur Arbizon III pour la croisière subsonique (Mach 0,8) ;

- portée aérodynamique de 160 km ;

- charge semi-perforante de 210 kg ;

- guidage mi-course utilisant la centrale gyroscopique SFIM ; vol à basse altitude utilisant un radioaltimètre italien, avec le choix d’une arrivée au ras des flots ou par piqué sous l’angle de Brewster ; autoguidage final électromagnétique et actif ; liaison navire-missile, pour la version italienne, permettant le recalage de la position cible nécessaire pour une distance de tir supérieure à 80 km ;

- la distance de tir maximale de chaque système d’arme dépend de la zone de surveillance et des caractéristiques du système radar d’acquisition de la cible, variant avec l’utilisateur (en général, hélicoptère avec liaison avec le navire tireur) ;

- une batterie côtière (Bacos) a été développée pour l’Égypte.

L’Otomat a été lancé en développement en 1970 et mis en service en 1978 dans la Marine italienne, sous le nom de Teseo ; il a été exporté dans 10 autres pays du Moyen-Orient et d’Amérique du Sud ; 1 080 missiles ont été produits. L’Italie a ultérieurement amélioré ses missiles.

 

Le Harpoon, lui, est actuellement produit par Boeing, après différentes fusions de sociétés. Son développement a été lancé en 1970. Les différences avec l’Exocet sont les suivantes :

- conception, dès le départ, d’une famille avec trois versions, pour tir d’avion, de navire ou de sous-marin, constituée d’un véhicule commun (version airsurface) et d’un accélérateur largable monté derrière ce véhicule, pour les versions mer-mer et sous-marin-mer ;

- véhicule de 530 kg, plus l’accélérateur de 150 kg ; diamètre de 343 mm ; charge de 227 kg ; centrale inertielle à trois axes à éléments liés ;

- propulsion de croisière par turboréacteur, comme pour l’Otomat, d’où une portée maximale de 140 km. Il a été mis en service en 1977 et il a eu des succès lors de son utilisation dans des conflits (avec la Libye en 1986, l’Iran en 1988..) ; 6 600 missiles ont été produits, dont 4 000 pour la Navy ; il a été exporté dans environ 25 pays. Il faut noter que l’Allemagne (version MM) et la Grande-Bretagne (version SM) avaient déjà été clients de l’Exocet en version MM 38.

 

16 Les deux concepteurs ont probablement eu l’idée en même temps ; pour l’Otomat, c’est la Marine italienne qui demandait cette longue portée.

 

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D’autres missiles à moyenne portée ont été produits, mais peu exportés. Le Kormoran allemand, développé en coopération avec l’Aérospatiale, a fait l’objet d’un premier contrat en 1964. Il existe uniquement en version air-mer (répondant à la spécification AS 34, cf. supra) ; il a une propulsion à propergol solide (croisière en cigarette), avec une portée de 37 km environ, un guidage mi-course inertiel suivi d’un autoguidage (autodirecteur CSF). Le premier vol d’un missile au ras des flots a eu lieu en 1970 et le Kormoran a été mis en service en 197717. Citons aussi le Penguin norvégien, mis en service en 1979, avec l’originalité d’un seul autoguidage infrarouge, une portée de 30 km et une charge de 125 kg, et enfin le Sea Eagle britannique (configuration du Martel), avec turboréacteur, mis en service en 1986.

 

Les missiles à courte portée (maximum 15 km)

Ils sont destinés prioritairement à l’attaque de navires de faible tonnage à partir des hélicoptères. L’intérêt est la non-vulnérabilité de l’hélicoptère à la défense SATCP et SACP de ces navires. La Marine française ne s’est pas équipée de ce type de missile, sauf de l’AS 12, qui a une portée plus faible (seule une défense canon existait lors de la conception de ce dernier missile). Deux programmes ont été développés :

- l’AS 15 TT, développé par la SNIAS pour l’exportation au Moyen-Orient (téléguidage automatique radar avec trajectoire d’arrivée rasante, 15 km de portée, charge de 30 kg pour une masse de 100 kg), mis en service en 1984 et produit à 350 exemplaires ;

- le Sea Skua, développé par les Britanniques (portée de 15 km, autoguidage radar semi-actif, charge de 30 kg et mis en service en 1982.

 

Conclusions sur les missiles antinavires

Entre 1967, date de la destruction de l’Eilath, et 1982, date de la destruction du Sheffield, le missile antinavire « moderne » a été conçu, développé et mis en service dans la plupart des Marines : la technologie était mature.

Ce missile a montré son efficacité en frappant les bâtiments dans leurs oeuvres mortes et il a fait évoluer la construction navale : protection contre l’incendie, furtivité des navires, nécessité de systèmes d’autodéfense à temps de réaction très réduit contre des missiles à vol rasant…

L’antinavire a été un domaine d’excellence de la deuxième période pour la France, qui a développé deux des trois principaux missiles du monde occidental ; en outre, l’Exocet a été le premier mis en service et il est devenu célèbre après son succès opérationnel de 1982 aux Malouines.

La vente de l’Exocet à l’exportation a été importante – compte tenu de ses performances et de son avance pour la mise en service – par rapport à son principal concurrent, le Harpoon ; mais, avec le marché de l’US Navy, la production de ce dernier a été très supérieure à celle de l’Exocet.

 

17 Le développement de ce missile a été très utile pour la conception de l’Exocet, du fait de son vol au ras des flots et de la mesure des écartométries sur navire, avec l’autodirecteur.

 

LES MISSILES SOL-AIR18

 

Nous avons déjà indiqué, au chapitre 4, que, durant la première période, l’objectif de ces missiles était la destruction de raids de bombardiers volant à moyenne altitude, d’où le développement de missiles à moyenne portée (SAMP). Les missiles soviétiques ont été utilisés, avec succès, au Vietnam dès 1965.

Mais les avions ont adopté le vol à basse altitude dès le début des années 1960 : une défense est apparue nécessaire. La distance de tir ne pouvant être que faible au-dessus du sol, compte tenu du masquage des avions par les collines, des systèmes à courte portée (SACP) et à très courte portée (SATCP) ont, en conséquence, été conçus dans cette deuxième période ; les SATCP ont été utilisés dès la fin des années 1960.

D’autre part, au début des années 1970, le missile antinavire à vol rasant est devenu opérationnel : la nécessité, pour la Marine, d’être équipé d’une défense est apparue. Des SACP antimissiles à vol rasant, appelés aussi SAAM (sol-air antimissile) ont commencé à être conçus.

 

SAMP (sol-air à moyenne portée)

Pour le SAMP terrestre, la France a adopté en 1958 le système Hawk, fabriqué en Europe ; nous avons déjà donné l’historique de ce programme19. Il a été mis en service en France en 1965. Au total, 11 000 missiles ont été produits en Europe. Nous avons également évoqué les deux programmes de systèmes SAMP navals, le Masurca et le Tartar – ce dernier étant acheté aux États-Unis. Ils ont été mis en service, en France, respectivement en 1968 et en 1963. Ces trois programmes, Hawk, Masurca et Tartar, ont été améliorés dans les années 1970 et 1980 et ils sont toujours opérationnels en 1995 ; ils doivent être remplacés par l’Aster 30 dans les années 2000, ce dernier ayant été développé durant la troisième période.

Ces missiles, en service, sont équipés d’un autodirecteur électromagnétique semi-actif doppler, et en conséquence sont capables de détruire des cibles à très basse altitude ; leur portée est d’environ 40 km. Les différences entre les trois missiles concernent surtout la masse et la longueur : 2 tonnes et 8,6 m pour l’ensemble missile et composite Masurca ; 630 kg et 5 m pour Hawk ; 680 kg et 4,6 m pour Tartar ; 600 kg et 4,4 m pour le Standard SM 1, version améliorée du missile du système Tartar.

Dans ce domaine des SAMP, les Soviétiques ont mis au point des missiles compétitifs, qui ont été utilisés : le SA 2 téléguidé, en 1959 (il a détruit, le 24 juillet 1965, le premier avion américain au Vietnam), le SA 3 téléguidé, en 1963, pour la moyenne altitude, et le SA6, vers 1970, équipé d’un AD semiactif électromagnétique, ce qui le rendait valable à moyenne et à basse altitude, et d’un statoréacteur avec accélérateur intégré et entrées d’air latérales (il est apparu durant la guerre du Kippour, en 1973).

Les Britanniques, eux, ont commencé le développement de leurs programmes durant la première période ; le Sea Dart, plus moderne, avec une propulsion par  statoréacteur et un autoguidage, a été développé pour la Marine dans les années 1960 et il a été mis en service en 1967.

 

18 Ordre de grandeur de la portée ou de la distance maximale d’interception : pour le SAMP, de 25 à 40 km, pour le SACP, de 6 à 10 km, pour le SATCP, de 3 à 5 km.

 

19 Voir chapitre 7, DEFA.

 

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SACP (sol-air à courte portée)

La portée maximale de 10 km pour le missile est liée à la distance de détection maximale du radar de surveillance, en attaque frontale, d’un avion volant à très basse altitude sur un terrain un peu vallonné ; cette dernière est d’environ 18 km.

Dans cette deuxième période, les missiles SACP développés étaient téléguidés ; en effet, d’une part ce procédé de guidage a permis la réalisation de missiles efficaces dans cette plage de portée et relativement bon marché, d’autre part, la réalisation d’autodirecteurs électromagnétiques pour de tels missiles n’était pas technologiquement possible.

 

Un SACP peut protéger une base aérienne, des points sensibles, un corps de bataille ou une unité navale contre les attaques à basse altitude. Il est plus mobile et a un temps de réaction plus faible qu’un SAMP comme le Hawk. Deux programmes ont été lancés, en France, au début des années 1960 : Roland, dont le maître d’oeuvre était le GIE Euromissile, et Crotale, chez Thomson-CSF.

Les études d’un projet nommé SABA (sol-air basse altitude) ont commencé en France, dès 1960, sous la direction de la DEFA. Ce programme, devenu Roland, a ensuite été développé pour les armées de Terre, en coopération francoallemande, sous la maîtrise d’oeuvre des sociétés Aérospatiale et MBB et sous la responsabilité de la DEFA (pour la France) ; nous en avons déjà donné un historique sommaire20.

Les caractéristiques et performances principales du Roland sont les suivantes :

- système autonome monté sur un véhicule blindé (AMX 30 pour la France et pour l’exportation) et comportant le radar de veille CSF-Siemens (16 km de portée), le poste de tir monté sur la tourelle (goniomètre infrarouge SAT-Eltro ou radar de poursuite), deux missiles installés sur rampe et huit missiles disponibles en soute, avec un système de rechargement automatique ;

- système Roland I ou « temps clair » : téléguidage semi-automatique infrarouge (même principe que le Hot) : c’est la version de base française ;

- système Roland II ou « tous temps » : téléguidage automatique par radar Siemens-CSF avec prise en charge du missile par un écartomètre infrarouge : c’est la version qui a été imposée par les Allemands et qui a été partiellement retenue, en 1972, par l’EMAT21 ;

- missile de base : masse de 63 kg ; configuration canard avec une manoeuvrabilité limitée, 15 g ; vitesse maximale de Mach 1,6 ; portée de 6,3 km ; fusée de proximité électromagnétique TRT ; charge avec de multiples charges creuses de 6,5 kg ;

- version améliorée du missile Roland III : portée de 8 km, plus manoeuvrante et plus efficace (charge de 10 kg) ;

- taux de réussite sur 1 000 tirs d’écoles à feu : 90 % pour le missile et près de 80 % pour le système. C’est un missile du type munition, d’une fiabilité excellente.

 

20 Voir chapitre 7. Pour les détails techniques, on pourra se reporter à : Comité pour l’histoire de l’armement terrestre, Systèmes de missiles sol-air, par l’ingénieur général Collet-Billon (†) puis l’ingénieur général Bienvenu (tome 11), 2002.

 

21 Aujourd’hui, il ne paraîtrait pas concevable d’être limité au temps clair.

 

Le Roland I a été mis en service en 1978, en grande partie pour la France. 105 postes de tir et 3 900 missiles ont été produits. Le Roland II a été mis en service en 1979 : 538 postes de tir et 20 400 missiles ont été produits. Le Roland III, mis en service en 1988, est peu utilisé : 1 000 missiles ont été produits. Au total, 25 800 missiles ont été produits, dont, pour la France, 83 systèmes Roland I, 98 Roland II et 7 600 missiles, et pour l’Allemagne 14 000 missiles. Dix autres pays ont été clients, dont l’Espagne.

L’historique du Crotale a déjà été esquissé22. À la base, c’est un système à téléguidage automatique radar ; il est plus sophistiqué que le Roland, car il a été conçu pour se défendre contre des menaces plus performantes en manoeuvrabilité ; il est, en conséquence, plus coûteux.

Plusieurs versions ont été développées :

- V 2 terrestre (Cactus) destiné au client de base, l’Afrique du Sud, et mise en service en 1972 ;

- V 3 Air et Naval pour la France (mises en service en 1978), et ensuite pour l’exportation (la différence entre le V 3 et le V 2 est la portée du missile) ; version antimissile navale V 3 EDIR, dérivée du V 3, pour les Marines françaises et saoudiennes (contrat Sawari), mise en service en 1985.

- Shahine, ou V 4, destinée exclusivement à l’armée de Terre saoudienne (performances améliorées pour le système et portée accrue pour le missile, soit 10 km), mise en service en 1980. Les principales caractéristiques et performances sont les suivantes :

- le système intégré est monté sur bateau ou sur deux véhicules à roues pour le Crotale – ou AMX 30 pour le Shahine – ; une section comprend une unité d’acquisition (avec le radar de veille de 18,5 km de portée) et deux unités de tir équipées chacune d’un radar de poursuite et de quatre (ou huit) missiles en conteneurs, prêts au tir ;

- le système est très automatisé, grâce à la conception autour d’un calculateur digital ; en particulier, l’unité d’acquisition permet une évaluation automatique de la menace ;

- radar de poursuite en bande J (précision) avec deux chaînes de réception (cible et missile) ; extraction directe de l’écartométrie différentielle missilecible, d’où une précision meilleure – c’était une novation – ; prise en charge du missile assurée par un goniomètre infrarouge Thomson ;

- missiles Matra V 2 et V 3 : masse de 87 kg ; configuration canard avec une bonne manoeuvrabilité pour l’époque : 20g ; vitesse maximale de 700 m/s ; portée de 8 km (V 2) et de 8,5 km (V 3) ; fusée de proximité infrarouge Matra ; charge à fragmentation Brandt à lobe étroit de 14 kg ; équipement avec un ensemble Thomson répondeur et récepteur de la télécommande (bande J), qui augmente la précision ; mais ce répondeur était coûteux (cf. annexe 1) ; - missile Matra Shahine (V 4) : masse de 102 kg ; propulseur amélioré (+ 11 kg), d’où une portée de 10 km ; vitesse maximale de 850 m/s ; fusée de proximité électromagnétique Thomson à corrélation (fusée adoptée aussi sur la version V 3 EDIR) ;

- version EDIR, pour assurer une capacité d’interception de missiles antinavires à vol rasant : utilisation de l’écartomètre infrarouge SEID en bande 2 réalisé par la SAT et fournissant directement l’écartométrie différentielle missile Crotale-cible (le radar aurait fourni une écartométrie verticale trop bruitée)23 ; mais cette version EDIR n’est pas valable en cas de brouillard.

 

22 Voir chapitre 8, Thomson-CSF.

 

23 Voir chapitre 13, SAT.

 

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6 400 missiles ont été produits, dont 1 500 environ pour la France et 1 800 en version Shahine. Le Crotale a eu de nombreux clients, en particulier au Moyen- Orient, dont l’Arabie saoudite (armée de Terre et Marine).

Il faut également évoquer la concurrence étrangère. Les Américains ont abandonné en 1965 leur projet de missile autoguidé, le Mauler. Depuis cette décision, ils n’ont plus été actifs dans le SACP terrestre. Ils ont procédé à un appel d’offre international et ont retenu le Roland en 1974. Ils l’ont américanisé (radar...), mais, en 1981, ils ont décidé de ne pas le mettre en service, pour des raisons budgétaires ; les faiblesses détectées, comme la résistance aux contre-mesures, permirent en tout cas d’améliorer le système. À la fin des années 1980, les Américains recommencèrent la même opération, avec un résultat identique ; le compétiteur français était le Crotale, mais il ne fut pas retenu. Dans les deux cas, ce fut une grande déception pour l’industrie française.

C’est le Royaume-Uni, avec le système Rapier24, développé par BAe, qui est le concurrent le plus sérieux sur le marché SACP terrestre. Ce système est proche de celui du Roland, avec un missile de plus faible masse (43 kg), équipé d’une charge réduite (2,5 kg) ; il a été très exporté et en 1995 il est, après des améliorations, toujours opérationnel, comme le Roland et le Crotale.

En revanche, pour le SACP naval, plusieurs systèmes ont été développés. Les Américains ont développé, dans les années 1970 et dans un cadre OTAN, le système anti-missile Sea Sparrow, fondé sur l’air-air Sparrow 7 H, à autoguidage électromagnétique semi-actif doppler (donc efficace à très basse altitude) ; il fut mis en service en 1977 et il a eu un grand succès dans les Marines occidentales : Allemagne, Italie... Les Britanniques ont développé le Sea Wolf, téléguidé et antimissile, qui fut mis en service en 1977.

 

SATCP (sol-air très courte portée)

Les Américains et les Soviétiques ont développé ce type de missile, destiné aux commandos (missile américain Red Eye et missile soviétique SA 7 ou Stréla, avec une mise en service respective en 1966 et en 1968) ; ils étaient surtout efficaces contre les hélicoptères et les avions lents (notamment au Vietnam). Ce sont des missiles épaulables, d’où une masse de la munition limitée à 10 kg, avec un autoguidage infrarouge avec accrochage de l’AD par le tireur, avant le départ, et une charge de masse réduite (1 kg) d’où une efficacité réduite.

 

24 Le Rapier et le Roland sont issus de la même fiche de besoin établie au sein de l’OTAN.

 

Compte tenu de leur masse, ils ont été qualifiés de missile de prolifération. Ces missiles ont été largement exportés, surtout le SA 7 ; de nombreux pays en guerre ont été équipés du Stréla (acquisition souvent illégale).

Les états-majors français ont beaucoup hésité sur l’adoption d’un tel missile ; finalement, en 1980, ils ont retenu un missile plus lourd, non épaulable mais plus efficace (cf. infra, troisième période, chapitre 12, Mistral).

 

Conclusions sur les missiles sol-air

Depuis 1950, le SAMP a été le domaine de réussite presque exclusif des Américains et des Soviétiques ; seuls les Britanniques ont développé leurs missiles.

Le besoin du SACP est né au début de la deuxième période ; ce fut le domaine d’excellence des Européens : les Français, les Britanniques (c’est l’un des seuls domaines où ce pays est resté compétitif) et les Allemands.

Ce fut aussi la phase de démarrage du SATCP, qui resta, dans cette deuxième période, le domaine des Américains et des Soviétiques.

Les missiles soviétiques ont créé des pertes importantes d’avions, avec le SA 2 au Vietnam, dès 1965, puis avec les SA 6 et les SA 7 durant la guerre du Kippour, en 1973 (100 avions israéliens détruits en deux ou trois jours, suivant les auteurs) ; la conséquence tirée par les Américains fut la relance de la guerre électronique.

 

LES MISSILES DE RECONNAISSANCE ET LES DRONES

 

Dès 1960, le développement de systèmes de missiles de reconnaissance a commencé. Il s’agissait plutôt de matériels expérimentaux, pour la plupart dérivés de cibles et équipés de turboréacteurs.

Le besoin d’une surveillance en temps réel assurée par des systèmes fondés sur un véhicule aérien d’une grande autonomie est né au début des années 1970, en particulier en Israël ; ce type de véhicule a été appelé drone25. La mission prioritaire des drones est la reconnaissance ; mais ils peuvent être définis pour d’autres missions : désignation d’objectifs (targetting), leurrage et brouillage, attaque d’objectifs, comme des radars avec charge militaire…

Deux missiles seront décrits ici : le missile français R 20 de Nord-Aviation (cf. figure 25), abandonné à la fin des années 1970, et le missile conçu par les Canadiens, le CL 89 (cf. figure 65), adopté par les Britanniques, les Allemands, les Italiens et enfin par les Français, ainsi que son dérivé, le CL 289 (cf. figure 66). Ensuite, nous présenterons les caractéristiques des premiers drones.

 

25 J’appelle drone un véhicule ayant une autonomie de plusieurs heures, contrairement au missile ; la vitesse de croisière du drone est, en conséquence, faible (ordre de grandeur de 150 à 200 km/h), contrairement à celle du missile (haut subsonique) ; le nom de « drone » (bourdon, en langue anglaise) provient du bruit de son moteur à pistons (bourdonnement). Cette définition n’est pas universellement reconnue.

 

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Le système R 20

En 1960, pour l’armée de Terre française, il n’y avait pas de mission précise, sinon un besoin, a priori, de surveillance à l’échelon de la brigade ou de la division. Ce besoin à grande distance, 100 à 150 km, militait pour l’utilisation d’un missile propulsé par un turboréacteur.

En matière d’équipements de reconnaissance, il n’existait que la caméra, avec dépouillement du film après récupération. À la fin des années 1960, des équipements de reconnaissance à balayage mécanique (line scanners), nommés Cyclope et détectant dans le spectre infrarouge, ont été développés en France par le STAé et ont permis, en plus du stockage, la transmission en direct ou en différé (avant récupération) des informations ; en conséquence, une utilisation plus opérationnelle du R 20, en particulier jour et nuit sans brouillard, a été possible.

Le système R 20 fut conçu en 1958, à partir de trois idées simples :

- utiliser le véhicule de la cible CT 20 (cf. chapitre 4), avec son booster pour le tir de rampe et sa récupération par parachute, et y ajouter des ballonnets, en bout d’aile, équipés de caméras ; par rapport au CT 20, l’autonomie était supérieure, ainsi que la masse (850 kg), et la vitesse était inférieure ; l’altitude de vol utilisée était de 400 m environ ;

- concevoir un programmateur d’ordres à introduire dans la boucle de guidage du véhicule, comportant une centrale gyroscopique ; le vol était autonome, sauf pour les deux phases télécommandées manuellement : la phase de tir, s’achevant par le ralliement à la trajectoire prévue, et la phase de récupération ; un programmateur électronique conçu par Nord-Aviation fut retenu : il fournissait les différents ordres résultant des plots (diodes) affichés manuellement ;

- réaliser un système sol, sur véhicules, capable d’une utilisation opérationnelle : plusieurs véhicules pour la direction de l’unité et du vol avec les équipements de télécommande (communications avec le PC ; d’après la mission et la mesure du vent, détermination de la trajectoire et affichage du programmateur ; exécution de la mission, avec les phases télécommandées et le suivi du vol) ; véhicule de tir avec mini-rampe ; véhicule pour la récupération ; véhicules pour le dépouillement des films photographiques et leur exploitation ; véhicules pour la remise en état et le stockage des équipements de rechange ; véhicules pour le transport des R 20.

Le déroulement du programme a fait l’objet de plusieurs imbroglios. Le STAé/ES notifia en 1960 à Nord-Aviation le développement et la commande d’une unité de ce système complexe pour sa mise au point ; le contrat était forfaitaire et prévoyait des performances garanties. Les expérimentations avec tirs eurent lieu à Colomb-Béchar jusqu’en 1965. À la fin du contrat, le fonctionnement était acceptable dans l’ensemble, sauf pour la récupération, qui devait être améliorée ; le véhicule R 20 était plus lourd que le CT 20 et plus fragile.

Les imbroglios intervinrent dans la suite du programme. Le R 20 fut alors déclaré « opérationnel » : deux unités dites « de série », avec 62 missiles, furent commandées et affectées au 702e GAG, à Châlons-sur-Marne. Aucun crédit du budget « études » ne devint disponible à la DTCA pour les améliorations à apporter, sauf pour l’adaptation du Cyclope (peut-être du fait d’une réticence de la DTAT, qui désirait se réserver ce type de crédits ?). En plus de la récupération, les premiers essais en France avaient montré que les équipements électroniques (en particulier le programmateur) avaient un fonctionnement défectueux, dû au niveau hygroscopique très supérieur à celui de Colomb-Béchar.

À partir de 1966, dans ce cadre, une seule campagne annuelle d’expérimentation en vol de quelques jours put avoir lieu au camp du Larzac, au cours de manoeuvres, ce qui était insuffisant pour la fin de la mise au point. Compte tenu des bonnes relations entre le STAé, l’EMAT, le 702e GAG et la STAT (quelques tirs de mise au point, sous la responsabilité du STAé, étaient acceptés au cours de ces manoeuvres), le système fut tout de même mis au point, au début des années 1970. Mais quelques incidents se produisirent encore lors d’expérimentations tactiques, comme des récupérations intempestives dans des propriétés particulières, avec des dégâts mineurs.

Le programme fut arrêté à la fin des années 1970, suite à un tel incident de récupération. L’EMAT n’était intéressé que par la coopération internationale, avec le CL 289, et il n’y avait pas de soutien important de la part de l’industriel.

 

CL 89 et CL 289

Le CL 89, de conception Canadair et développé en coopération, fut conçu en 1959 et son développement démarra en 1963, dans le cadre d’une coopération avec les Britanniques ; les Allemands s’y joignirent en 1965 ; les Italiens s’associèrent en 1973 et les Français passèrent une commande de quatre systèmes en septembre 1978, après une mise en concurrence avec le drone belge Épervier (Philips). Au total, 600 drones furent produits à partir du début des années 1970. Le fonctionnement du système a été satisfaisant.

Le CL-89 répondait au même programme que le R 20, au niveau de la division. Ses caractéristiques étaient les suivantes :

- véhicule de 78 kg (156 kg avec le booster largable) propulsé par un turboréacteur Williams et récupéré par parachute (assistance d’airbags) ;

- vitesse correspondant à Mach 0,6 et rayon d’action de 140 km ;

- le système de navigation autonome était plus sophistiqué que celui du R 20, avec l’utilisation, en plus d’une centrale gyroscopique, d’un radar de navigation doppler Canadian Marconi et d’un calculateur numérique ; pour la récupération, le missile se dirigeait vers une balise sol, beacon ;

- caméras optiques Zeiss.

Le CL 289 est la version améliorée du CL 89 : elle répondait au besoin allemand d’augmentation du rayon d’action à 400 km, de manière à placer ce nouveau système au niveau du corps d’armée. Il n’y avait alors plus que trois partenaires : l’Allemagne, le Canada et la France (depuis mars 1977). Le développement commença à la fin de 1977. La maîtrise d’oeuvre fut assurée par Canadair et Dornier, l’industriel français SAT ayant la responsabilité de la fourniture du line scanner infrarouge Corsair, de la famille Cyclope (cf. chapitre 8), soit 10 % du contrat global : en 1977, avec le Corsair, la SAT avait gagné l’appel d’offre international.

Les caractéristiques du CL 289 étaient améliorées, par rapport au CL 89 (en plus du rayon d’action) : vitesse dans le haut supersonique, masse de la charge utile accrue et masse globale augmentée, équipement avec le Corsair (jour et nuit) et adjonction d’une liaison avec le système sol, limitée à une portée de 75 km environ, pour la transmission en direct des informations du line scanner.

L’Allemagne commanda onze systèmes et la France seulement trois. Chaque système comprend 16 missiles, 2 véhicules de tir… et 40 véhicules terrestres ; la mise en service n’eut lieu qu’en 1992.

Au milieu des années 1980, la France modernisa le système sol, le francisa et le compléta pour en faire une version utilisable pour l’entraînement en temps de paix. Après compétition avec la CSEE, la DTEN confia la maîtrise d’oeuvre à l’Aérospatiale : ce fut le système Piver.

Son intérêt opérationnel était discuté au milieu des années 1990, parce qu’il ne pouvait détecter que des cibles fixes et que son une autonomie était limitée (30 minutes). Mais durant la guerre du Kosovo, en 2000, les CL 289 français ont fourni des informations précieuses sur l’état d’objectifs survolés chaque jour. L’EMAT envisage un remplaçant qu’il appelle « drone rapide ».

 

Les pays concepteurs de drones

Les États-Unis s’intéressèrent à des dérivés d’engins cibles, puis à des drones26. Mais les travaux de développement ont été menés de manière chaotique et n’ont pas abouti dans la deuxième période.

Le Firebee est à l’origine une cible aérienne, équipée d’un turboréacteur et larguée d’avion ; elle a été mise en service en 1952 et a été très utilisée. À partir de cette cible, les Américains ont produit un missile de reconnaissance photographique au début des années 1960 ; il comportait un guidage autonome et une caméra. Ils ont aussi équipé certains missiles avec un brouilleur. 3 400 missions, principalement de reconnaissance, ont été effectuées durant la guerre du Vietnam.

Aquila est le premier drone américain d’observation, à moteur à pistons. Le développement démarra en 1974 et il fut arrêté en 1988 : les spécifications étaient trop ambitieuses et il y avait eu une sous-estimation des difficultés techniques des équipements autres que le véhicule : charge utile, liaison, unité sol.

Israël fut le premier pays à réussir le développement de drones, à la fin des années 1960, et à les utiliser opérationnellement. En 1971, les Israéliens achetèrent des Firebee et ils les utilisèrent en 1973, lors de la guerre du Kippour. Les Israéliens ont conclu d’une part à l’intérêt de la mission et d’autre part que ce type de missile n’était pas adapté à la surveillance permanente et en temps réel.

ls mirent alors au point leur premier drone à moteur à pistons, le Scout (et le Mastiff en quelques exemplaires) ; les différences fondamentales avec les drones développés dans les autres pays sont le décollage et l’atterrissage sur piste, comme pour un avion, et des dimensions plus importantes. Ce drone est peu détectable (radar et infrarouge) et peut emmener une charge utile de 30 à 40 kg.

 

26 La terminologie américaine évolua : RPV (Remotely Piloted Vehicles), puis drones et actuellement UAV (Unmanned Aerial Vehicles).

 

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Il a été utilisé durant la guerre du Liban, en particulier au début du conflit, le 9 juin 1982. Avant l’intervention, les drones ont permis de localiser visuellement les stations syriennes de sol-air SA 6. Au début de l’intervention, les drones, équipés de dispositifs d’augmentation de la SER, ont piégé les Syriens, qui ont mis en fonctionnement leurs radars d’acquisition ; les avions israéliens étaient prêts à intervenir en tirant des missiles antiradars pour détruire les antennes, puis des bombes pour la destruction finale des batteries. En 10 minutes, 17 sites de SA 6 sur 19 ont été détruits27. Au cours de toutes les autres opérations, les drones ont surveillé les frontières et ont fourni des informations vitales aux forces armées d’Israël.

La France lança, en 1979, le développement exploratoire du drone Scorpion pour l’illumination laser d’armements autoguidés laser ; mais il n’y eut pas de suite. Il fallut attendre 1992 pour un démarrage de programmes opérationnels de drones de surveillance.

La Grande-Bretagne lança un programme de drone de surveillance en 1967 : le Phoenix ; la France l’évalua en 1988 (cf. chapitre 12) ; il a été mis au point dans les années 1990. À la fin des années 1970, l’Italie et l’Allemagne commencèrent également à s’intéresser aux drones. Ainsi, en dehors d’Israël, c’est surtout dans les années 1990 que les drones devinrent des programmes prioritaires pour les états-majors. Nous en reparlerons au chapitre 14, dans la section consacrée aux drones.

 

LES CIBLE AERIENNES

 

Nous avons indiqué plus haut que la cible CT 20 avait été mise en service à la fin de la première période et qu’elle fut utilisée pour les tirs de développement et d’entraînement des missiles de la deuxième période. Mais son domaine d’utilisation avait été défini pour les missiles de la première période, subsoniques, volant de 3 000 m à 12 000 m d’altitude et avec des manoeuvres limitées à 1 g. Ses possibilités d’amélioration étaient faibles.

Des études de cibles supersoniques comme les C 20 et C 30 (cette dernière avec un moteur à lithergol), dérivées des AS 20 et AS 30, furent effectuées dans les années 1960 ; mais elles furent abandonnées. Pour quelques essais à haute altitude et en supersonique, des cibles américaines AQM 37 furent achetées. Mais la cible CT 20 vieillissait et, à la fin de la deuxième période, une nouvelle cible subsonique, C 22, fut développée, avec l’objectif de réduire le coût d’un tir.

 

Les améliorations du CT 20 dans les années 1960

Elles concernent d’abord l’extension du domaine d’utilisation en altitude. Avec l’utilisation du réacteur Marboré VI, le plafond utilisable put être porté à 15 000 m ; mais cette valeur restait encore limitée pour les antiaériens conçus pour la haute altitude, comme les Super 530 (21 000 et 24 000 m).

 

27 Information provenant de Michel FORGET, Puissance aérienne et stratégies, ADDIM, 1996, avec une exagération possible sur le temps. Dans ses Mémoires (Stock, 1990), Ariel Sharon dit que les 19 batteries ont été détruites dans l’après-midi du 9 juin.

 

 De plus, une version basse altitude, par adjonction d’une capsule barométrique, a permis le vol à 100 m et des essais de sol-air ; mais ce n’était pas suffisant pour des expérimentations de missiles antinavires, au ras de l’eau.

D’autre part, l’équipement avec une cible remorquée a permis de réduire le coût des tirs d’entraînement des missiles sol-air, comme le Roland de l’armée de Terre.

 

Cible Beech AQM 37 (Vanneau)

C’était une cible américaine tirée d’avion ; elle était propulsée par un moteur à propergols liquides et était supersonique (Mach 2,5). 50 exemplaires furent achetés de 1975 à 1977 par la DTEN ; Matra fut chargée de les modifier pour y adapter les équipements nécessaires pour des essais au CEL : répondeur, récepteur de télécommande… Les Super 530 F et D purent ainsi être expérimentés sur une cible supersonique et à très haute altitude (22 000 m) à la fin des années 1970 et dans les années 1980.

 

C 22 – Aérospatiale

Le développement de cette cible a été lancé en 1978. Elle est entrée en service en 1985, après des difficultés pour sa mise au point ; 110 exemplaires ont été commandés par la France.

C’est une cible subsonique propulsée par un turboréacteur Microturbo, de la famille TRI 60, à bas coût. Comme la CT 20, elle est tirée de rampe et récupérée par parachute. Sa structure est en matériau composite, pour réduire le coût, et le turbo est situé dans une nacelle sur le dos du fuselage. Sa technologie électronique est, bien entendu, moderne. Sa masse est proche de celle de la CT 20 (630 kg), mais la charge utile est passée à 130 kg. Elle est généralement équipée d’une cible remorquée.

Ses performances permettent l’expérimentation de base de la plupart des missiles : le domaine d’utilisation en altitude s’étend de 30 m à 12 000 m ; elle peut manoeuvrer, dans le plan horizontal, dans la plage de 6 g à basse altitude et 4 g à 5 000 m : c’est la différence principale avec la CT 20. Sa vitesse est légèrement supérieure (Mach 0,8) et son autonomie est très supérieure (1 heure à 6 000 m).

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